Benoît Carpentier

FULL FOULE

du 29 mars au 7 mai 2011


Benoît Carpentier

Né en 1976 à Valenciennes
10 place aux Bleuets
59000 LILLE
06 17 04 21 28
carp.ben@wanadoo.fr

Expositions personnelles
2011« FULL FOULE», Galerie du Haut-Pavé
2009« Mine de Rien», Station 34, Lille
2008« Following Line », Permanent Gallery, Brighton, Angleterre
« A TABLE », galerie Une Poussière dans l’Œil, Villeneuve-d’Ascq
2007« 8888 8888 », LAPS, Faches Thumesnil
2006Les Ateliers Mommen, Bruxelles
2005La Vitrine, la Madeleine
Expositions collectives
2011DS Galerie, Bruxelles
2010«Fly me to the moon», PPGM, Roubaix
«Réminiscences Héraldiques», La Belle Epoque, Villeneuve d’Ascq
2009« Futur Proche», Maison des Arts de Sin-le-Noble
2008« Un pas de Deux », Ecole d’art de Calais
« Allers-retours», Galerie de l’Atelier 2, Villeneuve-d’Ascq
« Traversée d’art », château de Saint-Ouen
2007L’Atelier 2, Villeneuve-d’Ascq
« LAPS² », l’Espace Le Carré, Lille
EPSM à Bailleul
2006« Tels des Christophe Colomb… » au C.C.O.M.S, Mons-en-Barœul organisé par la Galerie Frontière$
« OAAOW » à LAPS, Faches-Thumesnil

Benoît Carpentier
Sans titre
(agglomération), 2010
26 x 45 x 12 cm (amplitude des lignes de crayon : 142 x 80 cm)
lanières de tissu enduites de gesso, découpées et agglomérées,
acrylique, résine, trait de crayon noir sur mur

Benoît Carpentier
Sans titre, 2010
19 x 21 cm
tissu découpé, gesso, acrylique, crayon

Benoît Carpentier
Sans titre (agglomération), 2010
72 x 32 x 16 cm
lanières de tissu enduites de gesso, découpées et agglomérées, acrylique


Il est parfois nécessaire de sortir des conditions du tableau pour y voir plus clair. Ces dernières années, le travail de Benoît Carpentier s’est détaché des conditions spatiales, matérielles et idéologiques du tableau, en recherchant, semble-t-il et en premier lieu, une simplicité dans le dessin, la découpe et le collage que ses tableaux du début des années 2000, dans leurs combinaisons picturales de trames spatiales hétérogènes, ne libéraient pas. Ainsi de ses récents dessins de formes tramées, semblables à des dessins techniques ou scientifiques de machines, de systèmes ou d’objets, qui étaient déjà présentes dans ses premières œuvres. Ils sont, en fait, des reproductions par pochoir des limites d’un premier dessin réalisé sur du tissu enduit de gesso, lequel a été découpé et en partie peint à l’acrylique (et a été, en l’état, un objet d’exposition au mur de l’atelier) avant de servir de modèle à l’œuvre définitive. Parfois, telle une loupe légèrement grossissante, un cercle vient agrandir un élément du dessin, le détacher de l’ensemble tout en préservant subtilement le lien figural, comme si Benoît Carpentier jouait avec les conventions de l’illusion picturale.
De fait, une grande part de sa démarche se fonde dans une confrontation avec des modèles hérités de la Renaissance, et notamment le Portillon ou perspectographe d’Albrecht Dürer (1525) qui consistait en un dispositif de perception et de représentation selon la perspective linéaire. Les Projections de Carpentier reprennent ce principe mais à partir d’un dessin en plan. Par exemple, les contours d’un cercle tracé sur un tissu rayonnent à travers des lignes de mêmes longueurs et de mêmes largeurs qui, une fois découpées et une fois l’ensemble épinglé au mur, tombent le long de celui-ci et dessinent en négatif un nouveau cercle en contrebas du premier. Un double effet s’en déduit, de volume tubulaire écrasé d’abord, de dégradation ou d’allègement matériel et symbolique de la forme et de la prétention de la peinture, à imposer une vision stable et sécurisante du monde à travers l’usage de la perspective linéaire et des formes géométriques constantes et connues (la Gestalt prisée par les minimalistes*). Quelque chose de l’ordre d’une figure actualisée de la Vanité se dégage de ces Projections, surtout lorsque des éléments graphiques et picturaux viennent altérer la tenue et la perception de la doublure, en la soumettant au poids de ces nouvelles actions et à l’attraction de la gravité terrestre. S’il est loisible de songer à la critique intra-minimaliste de la Gestalt menée par Robert Morris dans ses grandes pièces en feutre découpé de la fin des années 1960, la fragilité matérielle des pièces de Carpentier les rapproche bien plus des ambitions esthétiques de Daniel Dezeuze, de Richard Tuttle et de Bernard Guerbadot.
À l’instar des œuvres de ces trois devanciers, la perception des œuvres de Carpentier ne saurait se limiter à une compréhension d’un discours de dégradation ou d’allè­gement symbolique de la peinture. Ses Agglomérations, qui semblent réduire la peinture à l’acte de superposition-stratification de couches, en l’occurrence de lignes de tissu découpé, dessinent au mur des formes raidies par l’action de la colle, auxquelles s’ajoutent des lignes de couleur qui les traversent ou des sortes de fanions de couleurs qui augmentent leurs surfaces et projettent leurs ombres aux murs. Plus récemment se sont ajoutés, directement au mur, des tracés au graphite des lignes d’extension virtuelle des lignes agglomérées et de leurs fanions. Ces compositions offrent un contrepoint à la soumission des Projections à la gravité en suggérant une perception de l’amplitude de déploiement spatial des lignes agglomérées.
Par projection et condensation (Projections), par con­centration et extension (Agglomérations), Benoît Carpentier maintient ouverte, matériellement comme symbolique­ment, la question du lieu de l’œuvre et du regard à travers les rapports dialectiques du fini et de l’infini, de l’objet et du sujet, de l’optique et du tactile, de la totalité et du fragment. Ce d’autant plus que chaque œuvre entretient avec l’espace mural un rapport direct d’inscription et de déploiement, ouvrant le regard à une expérience qui excède les limites matérielles de chaque pièce. Dès lors, l’expo­si­tion devient un moment crucial de composition d’une vision simultanée de ces rapports et différences entre ce que chaque œuvre engage comme considération relativement autonome et spécifique de l’espace et de la forme. Ce que ce texte ne saurait littéralement pré-voir et ce qui me rend impatient de voir l’exposition du Haut-Pavé.

Tristan Trémeau, mars 2011

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