Frédérique Loutz

«Bitcherland»

du 11 janvier au 5 février 2000


Frédérique Loutz


née en 1974 à Sarreguemines
30 rue d‘Alsace
92110 CLICHY-LA-GARENNE
01.47.39.72.53 / 06.85.37.52.37

Formation
École des Beaux-Arts de Mulhouse
École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Université de Paris VIII
Expositions
1999Exposition personnelle, Galerie du Haut-Pavé, Paris
En hommage à Camille Lambert, Espace d‘Art Contemporain C. Lambert, Juvisy-sur-Orge
Espace d‘Art Contemporain C. Lambert, Juvisy-sur-Orge
Beaux-Arts de Rouen
1996Galerie Les Cahiers de l‘Atelier, Toulouse
Artiste invitée par la Maison d‘Art Contemporain Chaillioux, dans l‘atelier de Corinne Laroche, à Choisy-le-Roi
Freie Hochschule für Grafik-Design & Bildende Kunst, Freiburg, Allemagne
1995Dess(e)ins d‘artistes, Galerie Les Cahiers de l‘Atelier, Toulouse


Les enfants glissent sous les bras liés, pénètrent dans la ronde et s‘en échappent au plus vite par d‘autres interstices. Ils pressent le pas à l‘intérieur, ou narguent de frivolité la chanson. Ils vont et viennent, tantôt dehors, à l‘abri, en liberté, tantôt dedans, menacés, à la surface. Il leur faut s‘armer de courage pour affronter ce péril au grand jour de la ronde avant de disparaître à nouveau hors de l‘enceinte, hors du champ de vision de ceux qui, au terme de leur chanson, les emprisonneront. Mais ceux-là guettent, tentent de deviner leurs mouvements par delà le voile qui recouvre l‘imperceptible, qui protège la fuite. L‘enfant volute s‘apprête à passer la frontière, il entre dans le cercle, des dizaines de pupilles se fixent sur lui, les mains se crispent, les doigts se pressent, s‘écrasent, se scellent... « un... deux... trois ! » Il...
Quelles traces nous reste-t-il de ces jeux enfantins rythmés de mélodies ? Que signifient-ils encore, enserrés dans nos souvenirs ? Jusqu‘à quel point sont-ils perdus dans les échos de nos fantasmes ?
Et si parfois la vie ressemblait à leur réminiscence. Nous serions toutes les mises en danger qui ont précédé, précédé la présente, précédé la suivante et celles qui surgiront encore. Si le calque était vide, si rien ne transparaissait derrière le masque du temps, nous serions sans épaisseur, sans ce qui donne à chaque être l‘aura de ses succès antérieurs, de ses épreuves passées. Cette progression émerge des profondeurs, celles qui vacillent ou celles qui nous enlacent de leur oppression ténue. L‘être ne surgit pas, seule l‘apparence s‘expose en un jet bref, en une ligne claire. Lui s‘insinue, se dévoile, s‘extirpe et l‘on pénètre les croisements sans fin, les ruelles étroites peuplées d‘imprévu, les traces agonisantes, celles qui se laissent à peine cerner, celles qui échappent à leur essence. Il nous semble parfois que seuls les mots révèlent mais eux aussi ne sont qu‘hybrides d‘un sens à jamais prisonnier d‘un être, de son histoire de ses penchants, de ses désirs et de ses doutes.
Au commencement une forme fort simple, une marque du réel, une structure qui attend de s‘épandre de se mouvoir, d‘exister. Puis vient parfois l‘inanité de l‘histoire, les mêmes courbures, les mêmes lignes droites, les mêmes chutes, les mêmes sursauts. Et dans cette accumulation se perd le sens ; le sens de ce qui a fait naître, de ce qui a nourri, de ce qui a pour un instant fait mouvoir. Advient l‘inextricable, la construction sordide ou solide, le sens de ce qui est, nourri de ce qui fut, de sa putrescence ou de son aura.
À chaque instant s‘affronte encore ce péril : la foule de soi est malléable de l‘extérieur. Cernée, bousculée par l‘étreinte du monde, elle se délie, se relie, se rallie, sans direction éprouvée, dans un mouvement perpétuel imprimé dans le seul but d‘engendrer ces grouillements leurres d‘une vie.
Mais l‘être n‘est en rien dans cette absurde expansion.
Il se mêle, s‘imbrique parfois, sans toujours s‘unir définitivement. Le furtif, le lien dans la transparence, par la transparence, marquent sa vraie progression, moins violente, moins tissée, moins pesante, moins figée.
Le vrai se tend.

Karine Dussart

index