Anne Vignal
Peintures récentes
du 11 au 29 mars 1997
Anne Vignal
Formation | |
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1977-84 | Atelier Jean Leduc |
1980-84 | École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris Atelier Iscan |
Expositions personnelles | |
1986 | Galerie Muscade, Paris |
1988 | Crédit Mutuel de Bretagne, Rennes |
1991 | Chapelle de l‘Hôtel Dieu, Dreux |
1992 | Galerie Espace Keller, Paris |
1993 | Galerie Jean-Louis Chapelon, Paris |
1994 | Espace Le Grutli, Genève |
1995 | Fondation Noésis, Barcelone |
1997 | Galerie du Haut-Pavé, Paris |
Expositions collectives | |
1983 | Salon de la Jeune Peinture, Paris |
1984 | Salon d‘Automne, Rambouillet |
1985 | C.I.A.C., Paris |
1989 | Château de Tremblay-sur-Mauldre |
1991 | Salon de Vitry, Vitry-sur-Seine |
1992 | Galerie Grassion, Paris Portes ouvertes, Ateliers Artsenal |
1993 | Galerie Hélios, Honfleur Portes ouvertes, Ateliers Artsenal Salon Contemporaines, Paris |
1994 | «Aller Simple pour Taka Ialé», Issy-les-Moulineaux |
1995 | Galerie Artsenal, Paris |
1996 | Saint Jean de la Ruelle, Orléans Art Center, Séoul, Corée |
Réalisations | |
1989 | Fresque, École Supérieure de l‘Industrie Textile, Segou, Mali |
1990 | Festival d‘Avignon, affiche du spectacle Le Golem, mis en scène par Bruno Abraham Kremer Festival d‘Avignon, affiche du spectacle Richard III, mis en scène par R. Borenstein |
1991 | Installation aérienne monumentale, Chapelle de l‘Hôtel Dieu de Dreux |
1992 | Installation monumentale pour la Journée de la Planète, Jardin des Plantes, Paris |
1994 | «Un pays imaginaire : Taka Ialé», conception et réalisation de l‘événement réunissant danse, musique, sculpture, vidéo et théâtre, Issy-les-Moulineaux |
Bibliographie | |
1995 | Alló que veus venir, catalogue de l‘exposition Anne Vignal, Fondation Noésis, Barcelone ; textes de Didier Coste et Manuel Rainoird |
Dans la peinture d‘Anne Vignal, rencontrer un chameau sortant d‘un nuage est chose aussi commune et naturelle que trouver un nu dans l‘atelier de Picasso ou une odalisque dans un intérieur marocain de Matisse ou Delacroix. Les oiseaux de paradis y côtoient des arbres miniaturisés. Une barque rouge flotte sur un lac bleu d‘encre, dominé par un ciel mordoré. Un nuage passe devant la trace d‘une montagne, sous l‘oeil impassible d‘un lama qui broute d‘improbables plaines aquatiques. Les montagnes sont d‘ailleurs souvent transparentes et se fondent dans le ciel ou dans la mer. Plus loin, le désert a des couleurs de neige et tous les animaux de l‘Éden y tiennent un congrès. Un parachutiste viendra les départager...
Mais non, je me trompe, c‘est dans une autre toile... Ce n‘est pas bien grave car, chez Anne Vignal, peu importe le sujet. Ce qui compte, c‘est la volupté de la couleur, la sensualité des textures, la nervosité d‘un graphisme qui est à la fois dessin, écriture et graffiti, notation, griffure, incision... L‘instantané et le définitif y coexistent... La dure réalité de l‘univers des adultes jouxte les icônes des contes enfantins... Il y a continuité entre l‘état de veille et le sommeil...
Les travaux récents d‘Anne Vignal s'organisent autour du motif d'une colline peuplée de chameaux, de chevaux, d'oiseaux et d'arbres, le tout traité, non pas dans le genre naïf, mais avec un souci évident de symbolisation qui la rattache à la lignée des arts traditionnels d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les couleurs sont vives et souvent arbitraires. Le fond présente des surfaces somptueuses et tactilement sensuelles. Ses toiles les plus réussies mettent en scène l'émergence de la couleur sous une couche de blanc.
Quand on l‘interroge, Anne Vignal insiste sur le fait que son art est joie de vivre et jubilation. Il dispense donc de grands discours et d‘explications tortueuses. Ses propos paraphrasent volontiers Malraux : «Comprendre une oeuvre n'est pas une expression moins confuse que comprendre un homme. Il ne s'agit pas de rendre une oeuvre intelligible, mais de rendre sensible à ce qui fait sa valeur».
Louis Doucet, décembre 1996
Les gens qui voyagent sont insupportables.
Les peintres sont pires encore. Alors que ceux qui restent ne leur demandent rien, ils les obligent à sortir d‘eux-mêmes, ouvrent des brèches dans leur regard, font osciller leurs certitudes, les emportent ébahis, et les déposent tout crus sur des ailleurs insoupçonnés.
Ouf ! Anne Vignal, peintre et marcheuse en montagne depuis toujours, s‘est enfin posée. C‘est qu‘elle nous avait fait sérieusement voyager et dans de drôles de conditions. Sa peinture nous avait trimbalés sur des passerelles filigranées pas forcément rassurantes, tendues d‘une rive à l‘autre ; nous avions erré, ravis et consentants, de territoires en territoires suspendus, nous avions sillonné des chemins sinueux, gravi des pentes douces, pris l‘avion, le train, non sans avoir rencontré au passage de drôles d‘oiseaux.
Parlons peinture, aujourd‘hui : celle d‘Anne Vignal se nourrit de toute une réflexion sur l‘espace dans la peinture, des bouleversements que la Modernité (de Paul Klee à Matisse, de Kandinsky à Miró) lui a imprimés, d‘emprunts à d‘autres espaces de représentation appartenant à d‘autres cultures, de visions liées aux arts dits primitifs. Pêle-mêle, elle cite les Indiens d‘Amérique ou l‘Asie, Cy Twombly, Barcelo, Miró, Giotto.
Aucune naïveté dans son travail, aucun enfantillage.
Élevée à l‘abstraction, consciente de la gestualité et de la liberté que celle-ci a engendrée, Anne Vignal peaufine ses paysages intérieurs à l‘aune de vraies références, pourvu que cela conduise à une représentation... hors des systèmes battus, trop repérables.
Anéantissement de la perspective, constructions symboliques.
Vertiges... car si ses formats ne sont pas immenses, l‘espace, lui, à l‘intérieur de chaque tableau, l‘est.
Au départ elle divise la toile en deux, simplement.
Un haut et un bas (Dieu avait fait la même chose pour démarrer et mettre un peu d‘ordre dans le chaos !)
Un horizon ainsi défini, pose de la couleur :
D‘abord en couches fines, puis de plus en plus épaisses, jusqu‘au glacis.
La dernière couche laisse affleurer les précédentes par en dessous, par éclats : cela donne des accidents maîtrisés, marbrés et somptueux ; émergences destinées à révéler des sols, des terres où viendront s‘accrocher des arbres et des animaux hors d‘échelle.
Sait-elle vraiment avant comment un rose va crever un vert pomme ? Comment un bleu et un ocre vont s‘opposer ? probablement... car la «cuisine» est savante. Du coup, entrer à l‘atelier devient une entreprise vaguement éblouissante : parce que les couleurs sont saturées, acidulées, les bleus très haut et complexes, les roses très vifs, les jaunes très crus.
Et comme ici 4 ou 5 peintures se réalisent simultanément, quelle gourmandise !
Mais voilà que, dans l‘épaisseur de cette matière devenue précieuse, Anne Vignal, tout à coup, presque brutalement, inscrit, dessine.
Mamelon ? rocher ? aiguille ronde ? colline ? ou signe ?
- Montagne, dit-elle.
La forme est têtue, puisqu‘elle revient de toile en toile, et frontalement, et au centre.
Elle contraint le regard avec force : le dessin est comme gravé dans la couleur (aucune hiérarchie entre dessin et couleur, aucune primauté de l‘un sur l‘autre).
Le geste pourrait en évoquer d‘autres, plus immémoriaux. Ceux des prisonniers dans leur cellule, des amoureux sur les arbres et les pierres, des enfants qui s‘essaient à l‘écriture sur le sable... et des premiers hommes dans les grottes :
la peinture devient paroi.
La boucle est ainsi bouclée : de la montagne on a enfin la Totalité :
L‘espace extérieur qui l‘enveloppe, la végétation qui l‘habite, les animaux qui la contemplent, la forme symbolique... et l‘intérieur.
Françoise Niay, décembre 1996