LUCAS RUIZ

Lucas RUIZ

« Sur l’idée qu’il faut vivre »

Exposition du 20 septembre au 15 octobre 2016

Vernissage mardi 20 septembre 2016 de 18h à 21h

 

Les Serments - Terre cuite émaillée- 2014
Les Serments – Terre cuite émaillée- 2014

Sur l’idée qu’il faut vivre (reprise du titre de l’une des œuvres présentées) est la première exposition personnelle de Lucas Ruiz dont on a déjà eu l’occasion de découvrir une partie du travail, principalement des dessins, à l’occasion d’expositions de groupe organisées ces dernières années par la galerie DDC, à Paris, et par la galerie Maison d’art, à Osaka. Elle propose une mise en perspective de différentes séries d’œuvres : peintures, sculptures et monotypes réalisés entre 2013 et 2016 (dont la très grande majorité est présentée pour la première fois).

LE CONTRAIRE D'UNE FIN BRUTALE - 2016 -45X50CM-ENCRE SUR PAPIER
LE CONTRAIRE D’UNE FIN BRUTALE – 2016 -45X50CM-ENCRE SUR PAPIER

Le travail de l’artiste a ce caractère que l’on rencontre souvent chez ceux qui ont surtout appris en dehors des ateliers et des académismes. Nulle préoccupation de se situer dans un champ répertorié de l’art, pas plus d’entourer ses réalisations de quelque « statement » que ce soit. C’est un état de nécessité qui guide et tient l’OEuvre (de fait, cela seulement qui produit tout art consistant).

AVENANT AVENIR - Terre cuite émaillée - 2014 - 34X25X15cm
AVENANT AVENIR – Terre cuite émaillée – 2014 – 34X25X15cm

Lucas Ruiz fait partie de ces artistes dont le savoir-faire technique leur permet de passer, avec un égal talent, du figuratif à l’abstrait (ou de se situer dans ces zones si inspirantes de partage). Lignes, couleurs, valeurs du noir et du blanc, sens des volumes, compositions et détails procèdent d’une spontanéité première que condensent et dirigent une exigence de rigueur et d’intelligence d’ensemble.

LES CHOSES ET LA PIERRE - 2015
LES CHOSES ET LA PIERRE – 2015

L’artiste tire profit de nombreuses propriétés des matériaux qu’il emploie. L’encre d’imprimerie lui permet de jouer sur la brillance du gras, ses qualités d’empâtement, sa rugosité ou sa large gamme de dilution. La puissance de l’acrylique renforce le recours aux couleurs primaires, condensées dans un synthétisme en quête d’un ordre géométrique que vient radicalement déstabiliser l’expressionisme d’un geste triomphant, qui est celui de la vie. La terre cuite offre à Lucas Ruiz une prise plus directe encore sur le réel : il en utilise toute la malléabilité pour proposer des combinaisons hétérogènes à l’esthétique inclassable, où l’on a raison aussi bien de reconnaître que de ressentir.

Un regard rétrospectif sur l’ensemble de son Œuvre comme sur cette présentation à la Galerie du Haut Pavé témoigne d’une profonde cohérence. La circulation est celle d’un processus de mutation et de reformulation. Se contenter de parler d’abstraction, ce serait passer à côté d’un cheminement de l’artiste intimement lié au figuratif et au réel, c’est-à-dire à l’existence matérielle et psychique : point de départ et point de mire de l’ensemble des œuvres. Il faut être attentif à ces restes (et tout à la fois renaissances) de volumes musculeux, de constructions, de formes animales, de spectres lumineux, de concrétions minérales, de floraisons, de morceaux d’objets, de montagnes, de ciels d’intempéries, etc.

RAVAGES RITUELS ET BRICOLAGES - 2014
RAVAGES RITUELS ET BRICOLAGES – 2014

Le choix des œuvres et l’accrochage ont été dictés par un réseau de correspondances formelles, qui, d’une œuvre à l’autre, restituent l’écriture d’un artiste profondément littéraire. Cette écriture est à comprendre en tant que recherche d’un langage générateur, outil de déconstruction, d’appropriation et de reformulation. D’où une idée de mécanismes mis à nu. Pour l’artiste, il y a dans le monde quelque chose d’une machinerie qui se réinvente sans cesse. Il détecte dans le vivant un instinct de sur-vie qui exerce sur lui une fascination ambigüe. Les noirs denses de la céramique (série Serments) en exhibent l’exaltation, le délire et la violence. Une tension constante, à travers toutes les œuvres, confronte l’intense dynamisme du vivant à la menace de l’entropie. Ce climat de «ruines», marqué de doutes et de souffrances mais aussi de couleurs originelles et d’une infinité de lignes et de nappes de résistance. La vie reprend toujours le dessus. Dans tout le travail de l’artiste, quelles que soient les forces contraires qui le travaillent, une vibration charnelle affirme un vitalisme victorieux.

Sur l’idée qu’il faut vivre a quelque chose d’un manifeste. L’exposition parle du cheminement sans concession de celui qui souhaite se donner les moyens d’être au monde – non pas décidé par les structures d’autorité qui se généralisent et façonnent jusqu’au plus intime des existences, mais libre. C’est une rébellion discrète de cet ordre, aussi souvent grave que teintée d’humour et de légèreté. Une affirmation et un acte de marginalité, non pas simplement proclamés, mais d’abord vécus – l’art comme invitation démocratique à un travail de réinvestissement de soi et du monde. Les cadres oppressifs et aliénants qui pèsent sur notre époque doivent susciter, en réaction, l’invention d’une Genèse, l’exercice d’un passage par la ruine, non pas tabula rasa, mais injonction de se comprendre en harmonie : à la fois partie d’un Tout qui s’appelle la Nature, la Terre, le cosmos, et créateur, c’est-à-dire poète.

Guillaume Logé / Conseiller artistique, chercheur en histoire et théorie des arts

FORTUITEMENT - 2016
FORTUITEMENT – 2016

www.lucasruiz.net