LOTTE GÜNTHER

LOTTE GÜNTHER

Exposition du 18 novembre au 20 décembre 2014
Vernissage mardi 18 novembre 2014 de 18h à 21h

 

lotte

 

Substracted canvas

De fines toiles d’organza flottent au moindre souffle : les couleurs, les transparences sillonnent l’espace, jouent, se juxtaposent, se combinent ; elles forment un ensemble mobile, léger, sans cesse différent. Jamais elles ne sont au repos. Des nuances de vert s’y côtoient hardiment, l’une tirant sur le bleuté, l’autre à la limite de l’ocre, une troisième plus pomme, elles se heurtent au rouge, au violet des autres, croisent dans leur bougé les cuivres des supports. C’est leur mouvement que les couleurs appellent à saisir dès qu’un pli se forme, le recouvrement, le redoublement d’intensité des lignes horizontales qui vient rehausser les nuances, ou bien leur effacement. Dans la peinture classique, un voile léger et blanc frôle et drape les nus : il souligne la beauté du corps, dévoile ce qu’il cache à demi. Là il est présent comme accessoire de la beauté ; dans les pièces que Lotte Günther a créées pour la galerie du Haut Pavé il s’est fait matière : il est toile, élément du tableau. Et ces tableaux dévoilent la réalité de leur matériau. Leur transparence est chargée d’ambiguïté : la toile laisse le regard traverser son tissage, mais celui-ci reste accroché aux fils, et les fils à leur tour retiennent la couleur des lignes horizontales comme ils ont absorbé la teinture qui les a colorés.

Surprise un jour par un double reflet de son visage dans une fenêtre, l’artiste, en 2012, s’est représentée avec une double paire d’yeux. Devant cet autoportrait singulier, indécis, notre regard erre d’un œil à l’autre, sans savoir lequel fixer ; à chaque instant il doit faire le point, comme un objectif déréglé. Face aux plans enchevêtrés des toiles d’organza, le regard est soumis à semblable épreuve : il avance et recule, erre en profondeur pour battre de suite en retraite, au rythme des voiles et de leurs combinaisons. Un même jeu est à l’œuvre devant une large pièce en angle, qui nous enveloppe : elle est un puzzle qu’on ne saurait organiser tant chacun des fragments diffère de l’autre. Pourtant ce ne sont, sur chaque feuille, que lignes horizontales multicolores ; mais les combinaisons, où dominent les nuances du rouge, les fait tendre ici vers le jaune, là le vert, plus loin le bleu : cela cligne, tel le regard se déplaçant d’un fragment à l’autre, à la recherche d’un rythme improbable. Dans ce dédale il n’est de repère que les lignes verticales délimitant des colonnes, comme celles de tableaux Excel. Qu’arriverait-il si des colonnes on modifiait l’ordre ?

Déplacer le tableau vers l’espace, en changer la texture pour mieux le traverser, pénétrer les interstices des lignes, traverser le tissage des toiles, c’est ici que loge le désir d’incertain de Lotte Günther. Le tableau comme surface n’existe plus : sa matière même s’est dissoute en ces ensembles de lignes ou, comme au Ludwig Museum de Coblence, en des déploiements de cellophane recouverts d’une écriture sans lettre : le tableau s’offre comme fuite incessante, vibration d’une matière non pigmentaire.

Michel Métayer

www.lotteguenther.de

 

Neon