Carte blanche à Aurélie BARNIER

Florence LATTRAYE, Marie-Camille ORLANDO, Floriane PILON

« Souffler n’est pas jouer »

Commissariat Aurélie BARNIER, invitée par la Galerie du Haut-Pavé

Exposition du 9 au 21 avril 2019

Vernissage mardi 9 avril de 18h à 21h

Florence Lattraye, Black Mirrors-Renunciation Process – 2017- 26×36 cm chacun sauf 45×38 cm pour l’obsidienne, verre, métal oxydé, bois et tranche de bloc obsidienne œil céleste.

Souffler n’est pas jouer : règle obsolète du jeu de Dames qui s’applique au joueur se refusant à gagner une pièce pour éventuellement en protéger une autre, ou ritournelle équivalente à celle de Bartleby sous la plume de Melville : I would prefer not to.
Par ce titre, l’exposition réunissant des œuvres de Florence Lattraye, Marie-Camille Orlando et Floriane Pilon, en appelle tant aux joies ludiques de l’enfance qu’à celles de la musique – on joue une partie ou une partition – et invite à redéfinir le jeu et ses enjeux : plus que la victoire, c’est la beauté du geste qui est ici visée, le hasard plus que la nécessité et surtout, le goût du risque dans lequel se déploie in fine l’amusement, la satisfaction de celui qui joue et de celui qui le regarde ou l’écoute, chacun étant libre de se jouer de l’autre !

Balance ton quoi MC Orlando
Marie-Camille Orlando, Balance ton quoi ! 2018 crayon, acrylique, aquarelle, 140×182 cm

La palissade de F. Lattraye, de prime abord robuste et soudain soufflée comme fétu de paille par un léger mouvement, est un jeu de dupe. La jeune fille sur la balançoire de M.-C. Orlando, hommage à celles des Renoir, père et fils, apparaît puis disparaît, au rythme de la poussée, du dernier souffle de la société d’avant-guerre et du passage des visiteurs devant le dispositif de projection. L’affirmation de la possibilité de l’échec, à court ou long terme, est en effet essentielle aux pratiques de ces trois artistes, chacune, selon ses procédés et ses intentions, acceptant la distorsion, l’altération, voire la dissolution de ses pièces dans l’espace et dans le temps. Ainsi en est-il des rouleaux de sisal passés sur l’estran d’une plage par F. Pilon – rejouant à la fois le motif du drap de bain, le geste de l’enfant apprenti marcheur s’aidant d’un jouet, et les ondulations des vagues et du vent sur le sable – qui ont été déformés par la corrosion du sel marin. Car le caractère déceptif est bel et bien inhérent à toute mise en jeu ! L’on voudrait bien se saisir d’un bilboquet de F. Lattraye ou d’une corde du luth de F. Pilon, mais on ne le peut pas puisque leur fonctionnalité n’est qu’illusion ! Admettre le manque, la défaite, accepter de s’être fait avoir fait aussi partie du jeu.

Florence Lattraye – L’impossible jeu – 2014 – détail, bois, terre et fibre végétale, dimensions variables
Image Invitation expo Souffler n'est pas jouer_Vertical
Floriane Pilon- détail de l’installation Luth 1 – 2013 – métal, hêtre, ruban de satin et béton fibré, 180×400 cm

À travers les œuvres rassemblées, l’exposition entend explorer le souffle dans le jeu, le jeu dans le souffle. Le souffle comme déplacement d’air (impulsé volontairement par le sportif ou inopinément par le mouvement du visiteur dans la galerie) et le souffle comme vibration plus ou moins sonore (de cordes musicales ou vocales, de clochettes en porcelaine) qui emplie potentiellement l’espace, de l’architecture et du corps.

Les artistes jouent avec ces flux en se jouant aussi de la gravité, au sens scientifique comme à celui, imagé, qui décrirait l’adulte regardant l’enfant joueur, celui qu’il a été et cet autre qui surgit au coin d’une rue, d’un parc ou d’un stade, dans sa splendeur et son impétuosité !

Marie-Camille Orlando- Au mur, étude 2 - 2019 - crayon, acrylique, aquarelle et rotring, 37x24 cm
Marie-Camille Orlando- Au mur, étude 2 – 2019 –
crayon, acrylique, aquarelle et rotring, 37×24 cm

Souffler, est-ce jouer ? Emettre un son, même ténu ou graver un programme de composition sur papier, est-ce déjà produire une musique ? Jouer, est-ce souffler plutôt que s’essouffler, reprendre son souffle, faire un pas de côté, se placer à l’écart de la folle course du monde ? Souffler et jouer reviendraient alors, paradoxalement, au choix d’une forme de lenteur eu égard à l’injonction au progrès permanent. Et le jeu pourrait se concevoir comme résistance à la performance.

Le jeu fait aussi écho au jereflété dans le miroir, sur lequel on se prend, se surprend, tel le jeune enfant, à souffler pour faire apparaître la trace de sa respiration : buée qui subrepticement se dissout comme elle s’était dessinée, marquant la présence d’un être vivant et se jouant de cette capacité à signifier autant qu’à effacer.

La respiration, tranquille ou haletante, du joueur, sportif, performeur ou musicien, est fonction de l’exercice d’adresse. Elle évolue au gré du plaisir et de l’intensité de l’action : le souffle est court, coupé, calme ou languissant.

La concentration toute intérieure et la solitude du joueur sont déjouées par l’invitation, réelle ou poétique, à une pratique collective : la performance chez F. Lattraye, l’échelle monumentale chez F. Pilon et la possible projection de son propre corps en action dans les pièces de M.-C. Orlando.

Ligner-Floriane-Pilon
Floriane Pilon – Ligner – 2018 – modélisation 3D et impression sur bois, 19x11cm.

Jouer, c’est créer une tension, aux sens propre et figuré. C’est tester d’une part la résistance des cordes d’un instrument, d’une raquette, d’un trampoline, d’une balançoire ou de ficelles de bilboquets, mais aussi des muscles et des espaces eux-mêmes mis en tension par les installations qui s’y insèrent et les transforment à la fois ; et d’autre part éprouver la résistance de l’adversaire ou du public. Tout est question de résonance.

Et donc de vide, que vient hanter la respiration et qui laisse le temps, la liberté de reprendre son souffle, de poursuivre le jeu ou d’abandonner, de rejouer l’allégresse de l’enfance, tendresse et dérision mêlées.

Le souvenir se glisse ainsi au cœur des œuvres, convoquant tour à tour la mémoire des corps, des membres, des doigts, de la voix. Et le souffle, s’adaptant à l’état physique et psychique de l’individu et parfois du collectif, peut être perçu comme la trace, matérialisée ou non, voire l’enregistrement, des exploits, des limites et des émotions du joueur.

Aurélie Barnier

Commissaire de l’exposition

Florence Lattraye est née en 1988. Diplômée de La Villa Arson à Nice en 2015 (DNSEP), elle vit et travaille à Nancy.

florencelattraye.wordpress.com

Marie-Camille Orlando est née en 1977. Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2004 (DNSEP), elle vit et travaille à Paris. mariecamilleorlando.tumblr.com

Floriane Pilon est née en 1991. Diplômée de l’ENSA de Paris-Cergy en 2014 (DNSEP), elle vit et travaille à Paris.

florianepilon.fr

Alice ROBINEAU

Alice ROBINEAU

« Je suis la solitude »

Exposition du 12 mars au 6 avril 2019

Vernissage mardi 12 mars de 18h à 21h

Les Cigales - 200X40cm - plat en verre, paille, ponceuse électrique, rallonge électrique, résine polyester, colle à bois - 2019
Les Cigales – 200X40cm – plat en verre, paille, ponceuse électrique, rallonge électrique, résine polyester, colle à bois – 2019

Alice Robineau réalise des objets qui se définissent métonymiquement par la matière dont ils se constituent. Béton, silicone, colle à bois, mousse, plâtre, terre, ses sculptures incarnent le lien et permettent les échanges et les associations entre différentes constructions symboliques, différents espaces de représentations : l’objet présent et son évocation, la reconstitution et le minimalisme des formes, entre le matériel et l’immatériel, le réel, le souvenir et la science-fiction.

25 ans - 40X30cm - résine polyester, bouteille de champagne, tripes à la mode de Caen - 2017
25 ans – 40X30cm – résine polyester, bouteille de champagne, tripes à la mode de Caen – 2017

Les objets d’Alice Robineau sont des condensés d’évocations. Chaque donnée croisée constitue ainsi une expérience. L’objet est lié à un lieu, un souvenir, un moment, un contexte et vient s’assembler visuellement pour donner forme à un langage furtif, fuyant.

Cygne posé sur le Louvre - 110X30cm - résine polyester, plâtre, farine, tulipes, jacinthe - 2016
Cygne posé sur le Louvre – 110X30cm – résine polyester, plâtre, farine, tulipes, jacinthe – 2016

Le choix des matériaux composites dont la manipulation reste complexe confère aussi à l’objet une forme d’ultra-présence, une densité au geste, à la fabrication qui renoue avec sa dimension artisanale. Ces silhouettes de téléphone, robinet, bouée, pomme de douche, arrosoir, panier, parapluie ou boules de Noël, dont l’essence se trouve ici recomposée en « dur », constituent une véritable archéologie des objets de notre quotidien. Disposés sur des socles ou présentoirs réalisés en résine polyester et chacun singulier par sa forme, ils rejouent une sorte de muséologie du fantasme, une cosmologie quasi-organique de la vision, du temps et de l’évocation dont ils seraient les apparitions en flash.

Elisa Rigoulet

Vue d'ensemble du DNSAP aux Beaux-Arts de Paris - 2015
Vue d’ensemble du DNSAP aux Beaux-Arts de Paris – 2015
Marée - 50X50cm - résine polyester, herbe, algue - 2015
Marée – 50X50cm – résine polyester, herbe, algue – 2015
Houille - 90X80cm - résine epoxy, terre, mie de pain - 2015
Houille – 90X80cm – résine epoxy, terre, mie de pain – 2015
Squelette - 40X38cm - résine polyuréthane, caséine de lait, terre - 2014
Squelette – 40X38cm – résine polyuréthane, caséine de lait, terre – 2014
Vache et cheval dans leur champ – 60X20cm – résine polyester, plâtre, cendres, noyau et peau d’avocat, jonquille –

 

Thomas AURIOL

Thomas AURIOL

« La caution de la cousine plus âgée »

Exposition du 5 au 23 février 2019

Vernissage mardi 5 février de 18h à 21h

 

Cartouche, 2018, Acrylique sur toile, 130 x 160 cm
Cartouche, 2018, Acrylique sur toile, 130 x 160 cm

 

Je découpe et traite l’image en surface pour produire une peinture étourdie. Les compositions concentrent en un même espace filtres, matières et phénomènes. A la manière d’un monteur vidéo, j’attache une attention particulière à l’enchaînement de ces éléments hétéroclites.
cyprine
Cyprine, 2018, Acrylique sur toile, 130 x 160 cm
sansTitre
Sans titre, 2018, Acrylique sur toile 40 x 50 cm
UneCaissePleineDeau
Une caisse pleine d’eau, 2018, Acrylique sur toile, 130 x 195 cm

Site de Thomas Auriol

Géraldine GUILBAUD

Géraldine GUILBAUD

« CIELS »

Exposition du 8 janvier au 2 février 2019

Vernissage mardi 8 janvier 2019 de 18h à 21h

Le ciel sur la tête II, mortiers colorés, bois, 24x65x56 cm
Le ciel sur la tête II, mortiers colorés, bois, 24x65x56 cm

Sculpture des sens

La sculpture de Géraldine Guilbaud est une vue, dans son acceptation purement sensorielle, une information donnée en termes de couleur, de densité.

C’est la transmission de son propre regard en sensation brute, dépouillée de toute symbolique et de contextualisation signifiante.

Comme l’aspect narratif disparaît, la ligne n’a plus sens, la perspective s’efface, la forme n’est plus qu’une donnée générale.

Argonaute, 2018, Mortiers colorés, bois, 72x84x78 cm
Argonaute, 2018, Mortiers colorés, bois, 72x84x78 cm

Dégagées des aspects signifiants, les choses deviennent couleur, masses qui s’imbriquent, cohabitent à moins qu’elles ne fassent que se côtoyer dans le champ de vision.

Dès lors celles-ci restent l’unique matière de l’œuvre. Et l’unique matériau. Ce sont ces couleurs que Géraldine Guilbaud sculpte. Des mortiers colorés, denses, intensément tangibles, que l’artiste travaille en forces. La forme naît de leurs superpositions, leurs coulures, griffures…

Main au ciel, 2018, mortiers colorés bois, 68x70x49cm (in exposition collective au cloître des billettes, paris) 2018
Main au ciel, 2018, mortiers colorés bois, 68x70x49cm (in exposition collective au cloître des billettes, paris) 2018
Main au ciel - mortiers colorés
Main au ciel – mortiers colorés

Les objets et matériaux de récupérations perdent, dans l’œuvre, leur valeur figurative, au profit de leur couleur, de leur volume et des sensations qu’ils provoquent, des résonances affectives qu’ils suscitent. S’ils ont un rôle de structure, celle-ci sera simple, effacée, laissant à l’artiste toute latitude de développer le travail des matières colorées sur ces âmes.

Guerrier I, mortiers colorés, bois, 108x86x67 cm
Guerrier I, mortiers colorés, bois, 108x86x67 cm

La sculpture a ceci d’étonnant qu’elle est un paradoxe : une œuvre est une et pourtant on ne peut l’apprécier immédiatement sous toutes ses faces. Tourner autour, ce n’est pas seulement changer d’angle de vue. Chaque pas, chaque regard dévoile, en réalité une autre sculpture.

Un paradoxe dont l’artiste joue. Par la savante dissymétrie de ses figures, un pas d’écart suffit pour que la forme discernée un instant nous échappe, se transforme. Tel volume que l’on trouvait organique devient soudain minéral. Tel autre un peu effrayant prend, avec un pas de plus, un aspect beaucoup plus humoristique.

De même la sculpture de Géraldine Guilbaud change selon la distance à laquelle on la perçoit. De loin, ce sera l’impression d’une légèreté, de nuages flottant, d’une onde passant autour d’une main… c’est intrigant, mais rassurant, car on se persuade d’en identifier l’image.

Mais plus on approche, plus les couleurss’entremêlent,s’imbriquent et se fondent.

Alors que l’œuvre heurte l’œil qui cherche à signifier, par ses irrégularités, son absence de forme arrêtée, sa mollesse apparente, elle exhale une puissance, dans sa matérialité, dans la vivacité de sa couleur, qui frappe directement aux sens.

Le ciel sur la tête I, mortiers colorés, bois, 39x75x49 cm
Le ciel sur la tête I, mortiers colorés, bois, 39x75x49 cm
Le-ciel-sur-la-tete-I-detail
Le-ciel-sur-la-tete-I-detail

Site de Géraldine GUILBAUD