CLARENCE GUENA

Clarence GUENA

« Entre temps »

Exposition du mardi 16 mai au samedi 10 juin 2017

Vernissage mardi 16 mai de 18h à 21h

Noeud-fenetre - 2016 - résine, enduit, pigments, gravure numérique, sur bois.
Noeud-fenetre – 2016 – résine, enduit, pigments, gravure numérique, sur bois.

Clarence Guéna ou l’humilité conquérante

Le travail de Clarence Guéna est comme un mille-feuille sorti de l’atelier d’un grand pâtissier : un classique revisité dans lequel chaque couche a son propre savoir-faire, sa texture, sa couleur, sa saveur et son histoire.

Le classique ici revisité c’est le tableau, et la question qui semble à l’œuvre est comment faire un tableau qui ne soit ni un readymade, ni anecdotique, ni narratif, ni illustratif, tout en multipliant les évocations et en restant éminemment pictural ? Programme ambitieux face auquel Clarence Guéna adopte une attitude pragmatique : il met en place deux chantiers, d’un côté l’image (le motif), de l’autre la matière.

Drops 4 - 2017 - résine, canevas chinés, gravure manuelle, sur bois. 62x49 cm.
Drops 4 – 2017 – résine, canevas chinés, gravure manuelle, sur bois. 62×49 cm.

L’image ne lui appartient pas, il la glane sur internet et met en place une collection ou une banque de données, où vont s’archiver différents motifs : architectures diverses, nature et paysages, gestes picturaux, gestes techniques, figures grotesques ou pas… la liste paraît ne pas avoir de limite tant l’usage qu’il en fait dépasse les catégories. Il manipule, compile, et agence à sa convenance, tel le rêveur éveillé de Freud, les fragments d’un monde numérisé. Le spectateur est alors confronté à des scénettes incroyablement cohérentes – au regard de leur processus d’élaboration – dans lesquelles vont se croiser humour, poésie, politique, histoire de l’art, histoire personnelle ou collective… On reconnaît sans identifier, le trouble de l’étrangeté s’installe, les titres orientent sans pour autant signifier : l’œuvre est ouverte à l’interprétation et à l’appropriation de celui qui la regarde.

Éclaboussure 5 - 2016 - résine, canevas chinés, gravure manuelle, sur bois. 135x95cm.
Éclaboussure 5 – 2016 – résine, canevas chinés, gravure manuelle, sur bois. 135x95cm.

Côté matière, Clarence Guéna est peintre et son rapport au matériau a autant à voir avec la peinture en bâtiment qu’avec celle de chevalet. Le support, des châssis en bois, nous renvoie à l’époque où la peinture quitte les murs pour devenir un objet à part entière, où la fresque devient un tableau autonome. Les formats restent à l’échelle du corps, des mains, des yeux. Cette humilité de surface n’est pas qu’une prise de position vis-à-vis du spectaculaire, elle est aussi stratégique : le spectateur est obligé de s’approcher du tableau pour le voir. Sur ses châssis, Clarence Guéna superpose de multiples couches d’enduis teintés jusqu’à l’ultime nappage de résine, celui qui conduit à un monochrome onctueux d’une couleur blanche légèrement cassée. Certains châssis avant de recevoir leur lot de résine se voient au préalable recouvert de canevas chinés par l’artiste : ceux reprenant des tableaux appartenant à l’histoire de l’art ont sa préférence. Au final, quel que soit le support, l’artiste recouvre et se retrouve face à un monochrome. On peut voir dans ce geste radical un héritage des multiples débats sur la mort de la peinture, mais ici il s’agit davantage d’effacer pour mieux révéler.

C’est alors que l’image vient à la rencontre de la matière : elle s’y retrouve gravée manuellement ou par le biais d’une découpeuse numérique révélant ainsi le travail de stratification préalablement réalisé. Les couleurs se révèlent aléatoirement en fonction de la profondeur du la gravure, le châssis en bois se troue parfois révélant le mur derrière lui, les canevas réapparaissent par fragments sous la forme de coups de pinceaux, dripping ou coulures. Il a un peu d’Indiana Jones dans ce traitement particulier, comme si l’artiste se transformait en archéologue inventif fouillant humblement les différentes states du sol pour en extraire son histoire et en inventant par là-même une nouvelle. Et comme Indiana Jones, Clarence Guéna aime à brouiller les pistes et renverse son processus : les dessins sont comme le négatif des tableaux, l’image, réalisée au drawing gum, vient ici en premier et se retrouve recouverte de peinture jusqu’à disparaître avant de se révéler au final par le blanc du papier. « La forme c’est du contenu sédimenté »… La phrase de Theodor W. Adorno résonne particulièrement quand on pense à ce travail car ici chaque geste, chaque choix, chaque motif ou mobile est porteur de sens et d’histoire. Avec un respect infini pour ce qu’il manipule et une posture apparemment distanciée, Clarence Guéna conquiert totalement le territoire du tableau en nous donnant à voir des œuvres à la polysémie inépuisable.

 Emmanuelle Villard, mars 2017

Les mains de l'assureur - 2016 - acrylique sur papier. 42x34cm.
Les mains de l’assureur – 2016 – acrylique sur papier. 42x34cm.

www.clarenceguena.com

 

MATTHIEU PILAUD

Matthieu PILAUD

« Heaume »

Exposition du mardi 18 avril au samedi 13 mai 2017

Vernissage Mardi 18 avril 2017 de 18h à 21h

Heaume 3 - Copie

Matthieu Pilaud s’engage dans des projets où s’entrecroisent données mathématiques, géomorphologiques et topographiques. Plongées dans la mémoire des lieux, ses œuvres majoritairement sculpturales et in situ entrent en dialogue avec l’histoire locale, s’articulant en fonction d’un système de formes et de structures dont la matérialité réactive certaines visées universelles de l’art moderne.
Plutôt épurées, minimales, à l’échelle humaine et éphémères, les sculptures de Pilaud s’inscrivent dans la répétition des formes générée par la sérialité que permettent l’industrialisation et l’ingénierie, mais aussi par des techniques plus anciennes. Souvent effectuées à partir de matériaux de construction solides, comme le bois, le métal et le plâtre, celles réalisées ici reposent, à l’inverse, sur l’usage d’une matière plus modeste et pliable, l’isorel. Sans l’intervention de la découpe à la machine et la répétition du geste engendrée par l’intermédiaire d’une mécanique lourde, Pilaud opte plutôt pour y disséquer la matière manuellement et plus modestement. Comme l’oscillation entre les contraires et leur enchevêtrement fait partie des caractéristiques intrinsèques de sa pratique, le fait main, repéré également dans l’application de pigment noir sur la surface des sculptures, est couplé à l’assemblage des pièces au faufilage, une technique de couture provisoire exécutée à la machine.

Matthieu Pilaud - Heaume 1
Matthieu Pilaud – Heaume 1

Disposées tant au sol qu’au mur, les structures générées par la rigidité des calculs procurent pourtant un caractère organique à l’œuvre, nouant des liens avec la nature et la culture. Alors que les projets antérieurs et in situ de l’artiste s’inspirent pour la plupart de l’environnement naturel et bâti des lieux occupés – passant de l’architecture religieuse, totalitaire et industrielle à l’urbanisme – Santa Maria Assunta #2 entre en dialogue avec la cathédrale de Sienne en Italie, dont la particularité architecturale repose notamment sur son espace intérieur ornementé de larges bandes horizontales noires et blanches. Constitués eux aussi de lignes, les éléments angulaires de la série Santa Maria Assunta #2 s’apparentent aisément à des structures futuristes ou encore à des artefacts ethnographiques de provenance inconnue.
À l’instar de ces aspirations modernes intéressées à la contraction du monde en une logique applicable universellement, cette série d’œuvres participe au développement d’un langage systémique qui permet à l’artiste de proposer lui aussi une synthèse de l’expérience du monde, mais consciente de ses propres limitations. Cette ouverture sur l’extérieur affirme les limitations de la logique interne de ses œuvres, comme si elles incarnaient des fragments de l’incommensurabilité de l’univers et nécessitaient paradoxalement l’extérieur pour exister. Sans chercher à être autonomes et à se replier sur elles-mêmes, ses pièces sont intrinsèquement dépendantes du dehors.
Dans un esprit de progression et de continuité avec elle-même, la pratique de Pilaud s’érige sur les explorations et découvertes de ses projets antérieurs, mais aussi dans la filiation de l’histoire de la sculpture moderne. Or, il serait erroné de s’arrêter ici. Ses projets baignent également dans l’hétérogénéité de la sculpture contemporaine, dans ce que l’historienne de l’art Rosalind Krauss entend par le “champ étendu de la sculpture”1. Les œuvres de cette exposition en sont un bel exemple. Déployées à coup d’exploration de la matière, elles marquent un nouveau tournant dans la pratique de l’artiste avec l’intégration “étrangère” de pigments pourtant propres au médium pictural. Cela laisse donc présager que cette orientation nouvelle, ou encore “contamination” par la peinture, guidera fort probablement l’élaboration de ses projets à venir qu’ils se déploient en galerie ou avec prestance quelque part dans le paysage.
Julie Alary Lavallée

Matthieu Pilaud - Heaume 2017
Matthieu Pilaud – Heaume 2017

http://matthieupilaud.com/index.html

CLEMENT SANTOS

Clément SANTOS

NININI

Exposition du 8 mars au 1 avril 2017

Vernissage mardi 8 mars 2017 de 18h à 21h

Clement Santos - Mitsubishi, 2017
Clement Santos – Mitsubishi, 2017

Mon travail se construit principalement à partir de logos de grandes marques. Ces logos, je les choisis pour leur composition graphique, que je me réapproprie afin de créer des oeuvres concrètes. « Un élément pictural n’a pas d’autre signification que « lui-même », en conséquence, un tableau n’a pas d’autre signification que « lui-même » ». Cet extrait du manifeste de l’Art Concret m’a marqué car il souligne l’importance donnée à l’expérience du regard. Les oeuvres sont créées pour être regardées, pour être senties. C’est cette idée qui me guide dans mon processus créatif.

En les découpant, les recadrant, les retournant, les pliant, les associant… je cherche donc à transformer ces logos en nouvelles expériences esthétiques. Je recherche de la justesse, du rythme et surtout une cohésion. La réalisation finale doit pouvoir affirmer une autonomie.

En parallèle de ce travail de transformation, je cherche aussi à donner à ces formes une présence plus matérielle, plus tangible. En faisant des grands formats, en peignant les tranches des tableaux, en découpant directement dans du médium ou en créant en volume. Je veux leur donner une existence plus concrète afin de rendre l’expérience qu’on en fait plus physique, plus sensible.

En transformant ces logos en oeuvres concrètes, je cherche ainsi à bousculer le regard qu’on leur porte habituellement. Nous avons l’habitude de voir ces formes mais nous ne les regardons pas vraiment. C’est la marque qu’elles représentent que nous voyons. Leurs significations les dépassent et nous font presque oublier leur réalité indépendante et concrète. C’est cette limite du regard que je cherche à susciter dans mes réalisations. Quand la forme devient elle signe?

Clement Santos-Dadasi,2016
Clement Santos-Dadasi,2016

C’est une confrontation entre deux manières de percevoir le réel qui est à l’origine de ce travail.

J’ai découvert la première grâce à la méditation. En apprenant comment calmer mon esprit, j’ai découvert qu’il était possible de moins juger le réel, de moins l’interpréter. Percevoir un son pour un son et une couleur pour une couleur.

La seconde en m’intéressant au marketing. Lorsque j’achetais un produit, je me demandais souvent : est ce que mon choix va vers le produit lui-même ou bien la marque qui lui est rattachée? Dans son essai « No logo », Naomi Klein démontre que beaucoup d’entreprises ne se concentrent plus sur les produits, mais plutôt sur l’image de leur marque. « Pour ces sociétés, le produit apparent faisait seulement office de matériau de remplissage dans la production réelle : la marque ».

Alors que la méditation me propose d’observer les choses pour ce qu’elles sont, le Marketing cherche au contraire à m’imposer leurs significations.
C’est cette double approche possible du réel que je cherche à mettre en tension dans mes réalisations.

Clement Santos -Arlbo,2016
Clement Santos -Arlbo,2016
Clement Santos - DAS,2014
Clement Santos – DAS,2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.clementsantos.com

Galerie du Haut-Pavé hors les murs

Galerie du Haut-Pavé hors les murs

Quel est le haut, quel est le bas ? Charlotte Jankowski

Vernissage jeudi 2 mars de 18h30 à 21h, en présence de l’artiste à l’Ensemble scolaire Notre Dame des Missions, 4 rue du Président Kennedy, 94220 Charenton-le-Pont

 

Le feu a son mot a dire, modelage de grès, engobes et émaux petit feu - 2016
Le feu a son mot a dire, modelage de grès, engobes et émaux petit feu – 2016

La galerie du Haut Pavé s’allie à Notre Dame des Missions pour et par les jeunes, pour et par les artistes. La première exposition « Quel est le Haut quel est le bas ? » est l’œuvre de Charlotte Jankowski. Cette jeune artiste, exposée plusieurs fois en France, donne à voir des céramiques qui défient notre sens de la gravité. D’une poésie à la fois lunaire et tellurique, le feu allié à l’artiste sculpte des sphères, des formes, qui jalonnent l’imaginaire de leur spectateur hypnotisé.

Carte blanche à Marion Delage de Luget

Marion Delage de Luget présente

« Ces lieux qui nous gouvernent »

avec ALON (ALexandrine leclère et julie fruchON), Clément BORRE, Maxime DUVEAU, Jérémy LACOMBE, Anne de NANTEUIL, France VALLICCIONI

Exposition du 21 février au 4 mars 2017

Vernissage mardi 21 février de 18h à 21h

ALON - Amulettes II - juin 2016, actif culinaire lors de l'expo
ALON – Amulettes II – juin 2016, action culinaire lors de l’exposition

 

Clément Borre - sans titre 2 - 2016 - techniques mixtes - 52 X 62 cm
Clément Borre – sans titre 2 – 2016 – techniques mixtes – 52 X 62 cm

 

Maxime_Duveau-Sunset Bvd Roxy Theatre- 2015-fusain sur papier-50x65 cm
Maxime Duveau – Sunset Bvd Roxy Théâtre – 2015 – fusain sur papier – 50×65 cm

 

Jérémy Lacombe - Côtelettes chauffantes - 2017 - mousse jaune - 68 X 49 X 28 cm
Jérémy Lacombe – Côtelettes chauffantes – 2017 – mousse jaune – 68 X 49 X 28 cm

 

Anne de Nanteuil - état stationnaire 1 et 2 - 2016 - collage et matériaux divers sur stratifié - 36 X 38 cm chacun
Anne de Nanteuil – Etat stationnaire 1 et 2 – 2016 – collage et matériaux divers sur stratifié – 36 X 38 cm chacun

 

France Valliccioni - Deux écoles s’affrontent - 2013 - Montage photographique, technique et dimensions variables
France Valliccioni – Deux écoles s’affrontent – 2013 – Montage photographique, technique et dimensions variables

Ces lieux qui nous gouvernent, une proposition de Marion Delage de Luget

« Une certitude est acquise : le monde n’est pas neutre. »[i] C’est ce que s’applique à démontrer Roger Caillois dans La dissymétrie, que l’espace est fondamentalement anisotrope – chargé des conventions par lesquelles l’Homme organise son univers symbolique, il présente des caractéristiques différentes selon son orientation. Ainsi haut et bas, avant et arrière, droite et gauche ne sont pas des notions équivalentes qui se feraient simplement contrepoids, s’équilibrant de part et d’autre d’un axe de symétrie comme on l’attend d’ordinaire de contraires ; parce que ces antonymes ne se contentent pas de désigner des couples de positions opposées, ils les lestent de tout un système de valeurs que révèlent leurs combinatoires.

Le simple fait que la pesanteur oblige à la chute explique certainement ce haut, idéal, tout en légèreté, esprit et réussite, reléguant en bas la lourdeur, la déchéance, la souillure. Quant à avant/arrière, c’est l’avenir et le passé, par extension précocité ou progrès contre retard et régression. Gauche et droite enfin, et Caillois résume : « Tout ce qui est droit est faste, tout ce qui est gauche est maudit. »[ii] Soumis à la gravité, orienté de face, avantagé à droite : cet espace symbolique constitue une projection du sujet humain. D’où l’acceptation coutumière – autant dire machinale – de la distribution, malgré son arbitraire. Car voilà, tout se passe d’ordinaire comme s’il existait de bonnes, d’importantes raisons de privilégier ainsi le haut de préférence au bas, la droite par rapport à la gauche, l’avant au détriment de l’envers. Cette répartition est si bien établie qu’elle se rend invisible. Difficile, de fait, ne serait-ce que d’envisager d’y déroger.

On sait, dans le champ de l’art, la force de cette habitude – d’ailleurs encore récemment entérinée par la Gestalt lorsqu’elle donnait cette définition de l’espace perceptif, renvoyant en miroir au spectateur sa propre organisation. On ne connaît que trop cette doxa forte d’analogies évidentes qui tend à réserver au haut, à la droite, au devant les emplois gratifiants. Alors, contre l’ankylose, repartir à rebours. Au lieu d’adopter implicitement ces oppositions binaires – donc de plier, de façon tacite, aux discours que les usages ont accumulés en elles –, revenir sur ce qui fonde les significations et représentations dominantes associées à ces polarités, pour déjouer les impératifs d’ordre, de hiérarchie, de composition, de pensée, auxquels elles assujettissent.

[i] Roger Caillois, La dissymétrie, Paris, Gallimard, 1973, p. 72.
[ii] Ibid., p. 68.