HOMMAGE A BERNARD POINT

HOMMAGE A BERNARD POINT

Exposition du 12 au 27 mai 2015

Vernissage mardi 12 mai de 18h à 21h

Bernard Point photo d'Eric Mieszezak-1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Olivier ALIBERT – Samuel ALIGAND – Erwan BALLAN – Nathalie BOROWSKI – Aurélie BRAME – Michèle CIRÈS – Christine CROZAT – Frédéric DAVIAU – Ayako DAVID-KAWAUCHI – Dominique DE BEIR – Anne DEGUELLE – Agnès FOIRET – Fabienne GASTON-DREYFUS – Marine JOATTON – Corinne LAROCHE – Christian LEFÈVRE – Konrad LODER – Frédéric MAGNAN – Christine MAIGNE – Caroline MOLUSSON – Martine MOUGIN – Laurence NICOLA – Hiroko PALMER – Pascal PESEZ – RAMSA – Lydie RÉGNIER – Philippe RICHARD – Hubert RIVEY – Emmanuel RIVIÈRE – Baptiste ROUX – François SCHMITT – Régis SÉNÈQUE – Soizic STOKVIS –  Nathalie TACHEAU – Catherine VIOLLET – Brankica ZILOVIC

 

HOMMAGE À BERNARD POINT

Bernard Point nous a quittés, le 28 janvier 2015, au terme d’une longue maladie dont l’issue fatale était malheureusement inexorable. Havrais, né en 1937, il poursuit ses études à l’École Nationale des Métiers d’Art de Paris. Dans les années 1980, il aura l’admirable lucidité de découvrir que la peinture n’est pas sa voie. Il changera alors de mode d’action : « Après ne point avoir continué à peindre, je me suis consacré à l’écriture, devenant véritable itinéraire dans l’espace. En effet m’étant toujours intéressé à l’architecture, comme tracé bâti par l’homme qui cherche à s’y abriter pour mieux y habiter. Ainsi cette écriture devient une mémoire comme un dessein en projet du chantier et de son échafaudage… de la parole. »

En 1968, il crée, avec Madeleine Van Doren, l’école municipale des beaux-arts de Gennevilliers et sa galerie Édouard Manet. Il les dirigera jusqu’à son départ en retraite, en 2002. Très tôt, il se met au service de la démocratisation de l’accès à un art de qualité, exigeant et sans compromission, récusant simultanément populisme ou démagogie et alignement sur la doxa d’un art officiel : « un art élitaire pour tous. »1 Il multiplie les initiatives dans ce sens : création de la Biennale d’Arts Plastiques de Gennevilliers, cofondateur de l’IAPIF, devenu depuis Tram, Réseau art contemporain Paris/Île-de-France, et de la Biennale d’Arts Plastiques de Villeneuve-la-Garenne, membre dès l’origine du comité de sélection du Salon du dessin contemporain, Drawing now, créé en 2009, à l’initiative de Christine Phal.

Bernard Point fut aussi un grand passeur : écriture de textes critiques sur les artistes qu’il défend, conférencier, chargé de cours à l’Université Paris VIII pendant 18 ans, membre de nombreux jurys, commissaire d’expositions à la Galerie Villa des Tourelles à Nanterre, à l’H du Siège de Valenciennes, au Haut-Pavé et dans des galeries…

Mais c’est surtout le découvreur, dénicheur ou révélateur de talents, qui a marqué toutes les personnes qui ont eu le bonheur de le rencontrer. Toujours disponible, d’une curiosité sans bornes, humain et humaniste, convaincu et convaincant, simultanément exigeant et homme d’écoute, il mettait l’acuité de son regard au service des autres, n’en tirant aucun profit personnel ni gloriole. Sa maladie ne l’a jamais arrêté dans ce qui était devenu sa principale raison d’être. Il continuait à visiter ateliers et expositions, à prodiguer les conseils avec cette bienveillante aménité qui le caractérisait. Son seul regret, exprimé du bout des lèvres, le fait que sa condition physique l’empêchait désormais de visiter les ateliers en étage, dans les immeubles sans ascenseur… Quelques jours avant son décès, Bernard Point, en fauteuil roulant, avec de sérieuses difficultés pour s’exprimer, mais les capacités intellectuelles intactes, visitait encore l’exposition que la Galerie du Haut-Pavé consacrait à Laurence Nicola. L’œil vif, pétillant de cette affable malice qui ne l’a jamais quitté, il nous communiquait ses enthousiasmes et ses réserves. Il se posait non pas en juge selon des canons plastiques ou esthétiques mais comme un aiguillon forçant l’artiste à plus d’authenticité et le regardeur à la nécessaire humilité devant ce qui lui était donné à voir. Quelle leçon…

Le style critique de Bernard Point était à l’image de l’homme engagé. Plutôt que garder une distance et une certaine réserve vis-à-vis des œuvres qu’il commentait, il privilégiait une approche d’immersion, dans laquelle son propre corps entrait en interaction avec les œuvres décrites. Ainsi, lors de la carte blanche que lui donna la Galerie du Haut-Pavé, en décembre 2006, il n’hésitait pas à défendre une démarche subjective – au sens étymologique de ce terme – partant donc du spectateur – lui, en l’occurrence – et allant vers l’œuvre. Il écrivait ainsi : « Mon œil suit les directions proposées et traverse maintenant les arcades hivernales et arborescentes qui se greffent sur les arcs-boutants minéraux, cambrés autour de l’édifice. »2 Ou bien encore : « De retour dans la galerie j’achève ma déambulation aux pieds du pilier qui fait face à la porte. Au sol, prennent appui, une prolifération de forces arc-boutées rappelant la dynamique de mon regard lorsque je parcours le chevet déambulatoire de la cathédrale. »3

S’il ne fallait retenir qu’un point de la pensée critique de Bernard Point, ce serait celui-ci : l’œuvre d’art n’est pas un objet de spéculations financières ou intellectuelles, mais le siège d’une multitude de rencontres, de confrontations uniques entre deux individualités incarnées, celle du créateur et celle du spectateur.

Merci, Bernard, de nous avoir martelé inlassablement ce message d’humanisme et d’espoir. Tu nous manques déjà…

Louis Doucet, avril 2015

 

1 Paraphrase de la formule d’Antoine Vitez : « un théâtre élitaire pour tous ». 2 Notice de l’exposition Arcs-boutants – Carte blanche à Bernard Point, Galerie du Haut-Pavé, 7 au 21 décembre 2006. 3 Ibidem.