MARJORIE BRUNET

MARJORIE BRUNET

Maintenance des Equipements et Système des Espaces

du 17 novembre au 19 décembre 2015

Vernissage mardi 24 novembre 2015 de 18h à 21h  

Meurtrière 01, 20,5×24 cm, acrylique sur toile,carton,bois, 2015

Le titre intriguant de cette exposition, choisi par Marjorie Brunet, est le type d’inscription qu’on lit sur une porte ou un organigramme sans en comprendre réellement le sens. C’est peut-être pour cela que ces intitulés sont crées ? Mais Marjorie Brunet s’y est intéressée.

Il n’est pas sans rappeler le Message à caractère informatif. Cette émission de télévision de la fin des années 1990 consistait à détourner, par le doublage, des films d’entreprise du début des années 80. S’il s’agissait avant tout d’une pastille d’humour, on y voyait aussi un monde du travail obsolète, inopérant et incohérent. L’architecture industrielle, les espaces, les machines, les salles de réunions, de tout cela émergeait un décalage avec la vie réelle, une certaine esthétique, discutable, et, sans doute, une forme de poésie.

Dans Playtime (1967) de Jacques Tati, la ville futuriste et les bureaux sont autant de sujets d’intrigue que de moquerie. Comment ces espaces, tellement pensés en amont, peuvent-ils encore révéler de telles défaillances, des incohérences si énormes? Ainsi, Marjorie Brunet nous annonce, non sans malice, qu’elle va prendre soin de maintenir les équipements et les systèmes des espaces ou peut-être va t-elle s’intéresser à la manière dont on s’en préoccupe ? Dans son travail de peintre, Marjorie Brunet n’ignore rien de ces éléments subtils que sont la dérision, la poésie, ou bien l’incohérence d’une réalité urbaine parfois trop vite exécutée.

Elle est aussi une chercheuse infatigable, son champ d’exploration principal étant le tableau. Qu’y cherche-t-elle exactement ? On trouve dans les peintures de Marjorie Brunet certaines constantes : la matière et les textures, issues de véritables recettes, des formes aussi, plus ou moins identifiables, références parfois directes à l’espace, aux matières environnantes ou hommages subtils. La couleur est aussi un élément fort de cette peinture d’association.

Ajoutons l’espace, les proportions, les jeux d’ombre et de lumière, faut-il être méthodique pour aborder toutes ces problématiques au cœur d’un même travail ? Marjorie Brunet est devenue une remarquable observatrice de son environnement. Elle y décèle le plus inattendu, vous fait remarquer une texture, un détail d’architecture incongru. Elle s’applique encore à saisir les meilleures opportunités de ce qu’un lieu peut générer pour lui permettre de produire des tableaux dont les composants sont manipulés et associés pour évoluer sans cesse.

Cependant, le moment où elle semble se délecter le plus des effets de sa peinture sur le support est sans doute celui du faire, lorsque ses mélanges d’eau, de pigments et de farine sèchent lentement donnant à voir de superbes glacis, parfaitement lisses, pour lesquels sont conçus ses motifs et qui, peu à peu, revêtent un aspect nouveau selon la recette mise au point. Le résultat, parfois grumeleux, craquelé ou rêche est comme le souvenir de l’acte de peinture, comme si l’acte de peindre était un instant un peu supérieur et inégalable. Le tableau est parfois laissé à ce geste ou bien utilisé comme nouveau départ, recouvert, percé, découpé, associé… Il est l’objet de toute les manipulations possibles.

Il est support de la peinture, bien sûr, mais il est aussi un objet autonome, se déplaçant et suivant des chemins que Marjorie Brunet lui donne à prendre en fonction des lieux, des objets, des espaces qu’elle rencontre. Le tableau est l’objet et le matériau. C’est une nouvelle chance.

En 1954, le peintre Ellsworth Kelly est assis dans un bus à New York, tentant de lire un livre. Il est gêné dans sa lecture par l’ombre portée des fenêtres du bus sur les pages du livre. Kelly observe alors ces ombres bouger sur son livre avec le mouvement du bus. Il en tirera des dessins mais aussi une vraie attitude dans son processus de travail. Ellsworth Kelly dit : I realized I didn’t want to compose pictures, I want to find them *. Il parle aussi de chance, mais pas de celle que l’on attend, celle que l’on saisit, que l’on provoque. (1)

La filiation de Marjorie Brunet avec Ellsworth Kelly est aussi une question d’attitude. Marjorie Brunet, dans un espace, un environnement, y compris dans ses propres tableaux, continue de provoquer des opportunités et trouver des images. Une attitude volontaire et courageuse d’une peintre exigeante et sans compromis qui ne se laissera pas dominer par son environnement et nous donnera à voir et à penser ce à côté de quoi nous venions juste de passer.                                                                                                                 Alexandre Leger – Octobre 2015

* J’ai réalisé que je ne voulais pas composer des images, je veux les trouver.
(1) Ellsworth Kelly: New York Drawings 1954-1962 – Richard Shiff – Matthew Marks Gallery –Editions Prestel 2014
sans titre,72x20x12 cm, acrylique sur toile et bois enduit, 2011
sans titre,72x20x12 cm, acrylique sur toile et bois enduit, 2011