Carte blanche à Marion Delage de Luget

Marion Delage de Luget présente

« Ces lieux qui nous gouvernent »

avec ALON (ALexandrine leclère et julie fruchON), Clément BORRE, Maxime DUVEAU, Jérémy LACOMBE, Anne de NANTEUIL, France VALLICCIONI

Exposition du 21 février au 4 mars 2017

Vernissage mardi 21 février de 18h à 21h

ALON - Amulettes II - juin 2016, actif culinaire lors de l'expo
ALON – Amulettes II – juin 2016, action culinaire lors de l’exposition

 

Clément Borre - sans titre 2 - 2016 - techniques mixtes - 52 X 62 cm
Clément Borre – sans titre 2 – 2016 – techniques mixtes – 52 X 62 cm

 

Maxime_Duveau-Sunset Bvd Roxy Theatre- 2015-fusain sur papier-50x65 cm
Maxime Duveau – Sunset Bvd Roxy Théâtre – 2015 – fusain sur papier – 50×65 cm

 

Jérémy Lacombe - Côtelettes chauffantes - 2017 - mousse jaune - 68 X 49 X 28 cm
Jérémy Lacombe – Côtelettes chauffantes – 2017 – mousse jaune – 68 X 49 X 28 cm

 

Anne de Nanteuil - état stationnaire 1 et 2 - 2016 - collage et matériaux divers sur stratifié - 36 X 38 cm chacun
Anne de Nanteuil – Etat stationnaire 1 et 2 – 2016 – collage et matériaux divers sur stratifié – 36 X 38 cm chacun

 

France Valliccioni - Deux écoles s’affrontent - 2013 - Montage photographique, technique et dimensions variables
France Valliccioni – Deux écoles s’affrontent – 2013 – Montage photographique, technique et dimensions variables

Ces lieux qui nous gouvernent, une proposition de Marion Delage de Luget

« Une certitude est acquise : le monde n’est pas neutre. »[i] C’est ce que s’applique à démontrer Roger Caillois dans La dissymétrie, que l’espace est fondamentalement anisotrope – chargé des conventions par lesquelles l’Homme organise son univers symbolique, il présente des caractéristiques différentes selon son orientation. Ainsi haut et bas, avant et arrière, droite et gauche ne sont pas des notions équivalentes qui se feraient simplement contrepoids, s’équilibrant de part et d’autre d’un axe de symétrie comme on l’attend d’ordinaire de contraires ; parce que ces antonymes ne se contentent pas de désigner des couples de positions opposées, ils les lestent de tout un système de valeurs que révèlent leurs combinatoires.

Le simple fait que la pesanteur oblige à la chute explique certainement ce haut, idéal, tout en légèreté, esprit et réussite, reléguant en bas la lourdeur, la déchéance, la souillure. Quant à avant/arrière, c’est l’avenir et le passé, par extension précocité ou progrès contre retard et régression. Gauche et droite enfin, et Caillois résume : « Tout ce qui est droit est faste, tout ce qui est gauche est maudit. »[ii] Soumis à la gravité, orienté de face, avantagé à droite : cet espace symbolique constitue une projection du sujet humain. D’où l’acceptation coutumière – autant dire machinale – de la distribution, malgré son arbitraire. Car voilà, tout se passe d’ordinaire comme s’il existait de bonnes, d’importantes raisons de privilégier ainsi le haut de préférence au bas, la droite par rapport à la gauche, l’avant au détriment de l’envers. Cette répartition est si bien établie qu’elle se rend invisible. Difficile, de fait, ne serait-ce que d’envisager d’y déroger.

On sait, dans le champ de l’art, la force de cette habitude – d’ailleurs encore récemment entérinée par la Gestalt lorsqu’elle donnait cette définition de l’espace perceptif, renvoyant en miroir au spectateur sa propre organisation. On ne connaît que trop cette doxa forte d’analogies évidentes qui tend à réserver au haut, à la droite, au devant les emplois gratifiants. Alors, contre l’ankylose, repartir à rebours. Au lieu d’adopter implicitement ces oppositions binaires – donc de plier, de façon tacite, aux discours que les usages ont accumulés en elles –, revenir sur ce qui fonde les significations et représentations dominantes associées à ces polarités, pour déjouer les impératifs d’ordre, de hiérarchie, de composition, de pensée, auxquels elles assujettissent.

[i] Roger Caillois, La dissymétrie, Paris, Gallimard, 1973, p. 72.
[ii] Ibid., p. 68.