LAURENCE NICOLA

LAURENCE NICOLA
SE REJOINDRE


Exposition du 6 au 31 janvier 2015
Vernissage mardi 6 janvier 2015 de 18h à 21h

 

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Divaguer, 2014, encre de chine, papier mûrier, 0,45x25m

 

Que reste t-il des fragments racontés par ces paysages qui captent la vue ? Happé, le corps immobile, le souffle se fait plus présent puis le geste accompagne un regard sous la fulgurance d’un éclair qui tente de se libérer d’un brouillage épineux. Si l’on s’attache aux tonalités retrouvées par Laurence Nicola, on y découvre la posture d’un alchimiste amoureux. Ses mains jouent d’un lyrisme affuté en composant les premières notes d’une symphonie où la brutalité de la matière creuse les traits d’un inconnu, d’une ombre, cet autre.En soudant les formes, Laurence Nicola expérimente, rassemble et confronte les éléments choisis pour apporter de la chair au squelette de sa pièce. Comment mieux donner du relief à ces objets qu’en choisissant d’y laisser ses traces, certes invisibles, mais encore brûlantes de désirs sur les contradictions qui cultivent nos émotions.
Dans Collection, l’assemblage des objets trouvés et fabriqués répondent à la convoitise, presque obsessionnelle, de capturer des souvenirs et de les tresser à d’autres comme autant d’équations et de doutes possibles sur cette relation à deux. Une bibliothèque de songes dans laquelle les muscles de béton cristallisent les lignes délicates du papier moulé et de l’empreinte en porcelaine. Bien plus qu’un cabinet minimal sur l’objet, cette mosaïque de formes déborde de sensualité laissant en suspens le parfum d’un corps, d’un geste, d’un instant décisif, caressant la fragilité d’une couleur et la transparence d’un sentiment.

Lorsque Michel Foucault explique que la transgression est un geste qui concerne la limite et qu’elle se doivent l’une à l’autre la densité de leur être[1], on reconnaît le mariage mécanique entre matière et geste à la lisière du débordement dans les migrations répétées de l’artiste vers la matière. Dans Le repli, le personnage est attentif aux pas obstinés d’un soulèvement énigmatique, dangereux, peut-être même attractif. La densité de la matière est éloquente dans son propre Déroulé, un paysage de papier basculé puis redressé à la verticalité ; le reflet d’une mémoire, d’un passé, d’un souvenir, plus présent que jamais. Tout comme l’étagère de plâtre issus d’un papier bulle dans Transports amoureux traduit ce flirte permanent entre la force et le sensible.
Dès lors, la présence semble toujours en proie au basculement, dans un tourbillon proche du déchirement et pourtant, la fragilité de la touche laissée par l’artiste transperce l’équilibre de la matière pour sublimer les lignes de son volume. Un dialogue, un jeu de correspondances entre lumière et obscurité afin d’y intégrer plus de nuances dans cet instant figé, intemporel, organique.Chez Laurence Nicola, se cachent derrière ses œuvres, un corps qui expérimente le « Faire ». Un processus de pensée où le dédale surréaliste, nuageux et hypnotique de ses pièces est traversé par un geste en répétition, une libération du corps, un abandon sans raison. Elle récolte ces objets puis sème des indices pour mieux les utiliser comme les éruptions complices d’un déplacement qui s’opère entre l’organique et la métaphore. Dans ce duel, entre le geste et l’objet, la respiration et le suspens, l’intrigue et la catharsis, le flou et le transparent que se rejoignent, l’émoi et le silence d’un chant passionné pour la matière.

Mehdi Brit, décembre 2014.

[1] Michel Foucault, Préface à la transgression. Hommage à Georges Bataille, Paris, Nouvelles éditions lignes, 2012, pp.16-17; publié pour la première fois dans Critique, n°193-196, août-septembre 1963

www.laurencenicola.com 

 

ee2de57e-0b4b-43df-bbb0-592a94d62565Le repli, 2010, vidéo, 1’50’

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Collection, 2014, blocs béton cellulaire, techniques mixtes, dimensions variables

LOTTE GÜNTHER

LOTTE GÜNTHER

Exposition du 18 novembre au 20 décembre 2014
Vernissage mardi 18 novembre 2014 de 18h à 21h

 

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Substracted canvas

De fines toiles d’organza flottent au moindre souffle : les couleurs, les transparences sillonnent l’espace, jouent, se juxtaposent, se combinent ; elles forment un ensemble mobile, léger, sans cesse différent. Jamais elles ne sont au repos. Des nuances de vert s’y côtoient hardiment, l’une tirant sur le bleuté, l’autre à la limite de l’ocre, une troisième plus pomme, elles se heurtent au rouge, au violet des autres, croisent dans leur bougé les cuivres des supports. C’est leur mouvement que les couleurs appellent à saisir dès qu’un pli se forme, le recouvrement, le redoublement d’intensité des lignes horizontales qui vient rehausser les nuances, ou bien leur effacement. Dans la peinture classique, un voile léger et blanc frôle et drape les nus : il souligne la beauté du corps, dévoile ce qu’il cache à demi. Là il est présent comme accessoire de la beauté ; dans les pièces que Lotte Günther a créées pour la galerie du Haut Pavé il s’est fait matière : il est toile, élément du tableau. Et ces tableaux dévoilent la réalité de leur matériau. Leur transparence est chargée d’ambiguïté : la toile laisse le regard traverser son tissage, mais celui-ci reste accroché aux fils, et les fils à leur tour retiennent la couleur des lignes horizontales comme ils ont absorbé la teinture qui les a colorés.

Surprise un jour par un double reflet de son visage dans une fenêtre, l’artiste, en 2012, s’est représentée avec une double paire d’yeux. Devant cet autoportrait singulier, indécis, notre regard erre d’un œil à l’autre, sans savoir lequel fixer ; à chaque instant il doit faire le point, comme un objectif déréglé. Face aux plans enchevêtrés des toiles d’organza, le regard est soumis à semblable épreuve : il avance et recule, erre en profondeur pour battre de suite en retraite, au rythme des voiles et de leurs combinaisons. Un même jeu est à l’œuvre devant une large pièce en angle, qui nous enveloppe : elle est un puzzle qu’on ne saurait organiser tant chacun des fragments diffère de l’autre. Pourtant ce ne sont, sur chaque feuille, que lignes horizontales multicolores ; mais les combinaisons, où dominent les nuances du rouge, les fait tendre ici vers le jaune, là le vert, plus loin le bleu : cela cligne, tel le regard se déplaçant d’un fragment à l’autre, à la recherche d’un rythme improbable. Dans ce dédale il n’est de repère que les lignes verticales délimitant des colonnes, comme celles de tableaux Excel. Qu’arriverait-il si des colonnes on modifiait l’ordre ?

Déplacer le tableau vers l’espace, en changer la texture pour mieux le traverser, pénétrer les interstices des lignes, traverser le tissage des toiles, c’est ici que loge le désir d’incertain de Lotte Günther. Le tableau comme surface n’existe plus : sa matière même s’est dissoute en ces ensembles de lignes ou, comme au Ludwig Museum de Coblence, en des déploiements de cellophane recouverts d’une écriture sans lettre : le tableau s’offre comme fuite incessante, vibration d’une matière non pigmentaire.

Michel Métayer

www.lotteguenther.de

 

Neon

ANNE GAISS

ANNE GAISS

Exposition du 7 octobre au 15 novembre 2014
Vernissage mardi 7 octobre 2014 de 18h à 21h

Technique mixte sur toile. 240x170. In vivo II

Incarnation

A travers cette problématique, Anne Gaiss nous invite dans un univers mystique ou abstraction et figuration cohabitent au service d’un questionnement sur le vivant.
Qu’il s’agisse de formes organiques porteuse de vie, d’un état primitif de l’être, d’un bouillonnement originel abordé à travers un œil scientifique, ou d’une interrogation sur le divin faisant cohabiter religions monothéistes et polythéistes, l’artiste nous pose des questions, nous bouleverse et nous invite à rechercher les réponses dans nos propres croyances, dans notre âme même qu’elle met au cœur de cette exposition.
L’incarnation de l’âme, la destinée, mais également la gestation, l’enfantement, la maladie, la renaissance, toutes ces problématiques affleurent derrière chacun des travaux de l’artiste. Elle se fait guide, non pour nous imposer ses vues, mais à travers notre ressenti devant ce qu’elle nous dévoile pour nous permettre de réinvestir nos propres incertitudes sur nos origines, notre devenir.

Astrid Clémares