Eric Leiser

La galerie du Haut-Pavé présente les courts-métrages d’animation expérimentale d’Eric Leiser

samedi 26 octobre à 19h

 


Eric Leiser is an award-winning artist, filmmaker, animator, puppeteer, writer, holographer working in the New York and California.

A graduate from CalArt’s Experimental Animation program, he creates animated and live action feature films and shorts as well as works integrating animation, puppetry, painting, holography, live performance and installation. Leiser is interested in how animation transforms perception when it is combined with live action space, creating a fantastical, spiritual and surrealistic quality.

 His animated/live action films have been shown at the Victoria and Albert Museum, The Istanbul Modern Museum of Art, MoMA, New Museum, The MIT Museum, The Ruben H. Fleet Space Museum, Thessaloniki Contemporary Art Museum, Centro Cultural Ricardo Rojas Museum de Buenos Aires, MASS MoCA,(BFI) British Film Institute, Four-Dimensions Space Art Museum, Beijing, CAFA Beijing, Aster Arts Plaza Hiroshima, Anthology Film Archives, Los Angeles Filmforum, REDCAT, the San Francisco Film Society, Goldsmiths College London, California Institute of the Arts and the School of the Art Institute in Chicago among others.

 His films have screened at film festivals worldwide such as the Annecy International Film Festival, Hiroshima International Animation Film Festival, The Istanbul International Animated Film Festival, The San Francisco International Animated Film Festival, EXIS Experimental Film Festival, Seoul, Korea, Fringe Festival, Edinburgh, among many others.

  He has made 35 short films, eight of which appear in the DVD release Eclectic Shorts by Eric Leiser, and three features: Faustbook, released April 25, 2006 by Vanguard Cinema International, and « Imagination », released theatrically in the US and Internationally in summer 2007 and February 2008 on DVD by Vanguard Cinema International. « Imagination » was featured in the May 2008 issue of Animation Magazine. « Glitch in the Grid » Eric’s third live action/animated feature film was released theatrically in the US and Internationally on October 2011 and February 2012 on DVD/VOD through Vanguard Cinema International. The film premiered at the Annecy International Animation Festival in Annecy, France and the Hiroshima International Animation Festival in Hiroshima, Japan, the two most prestigious and respected animation festivals in the world. The film premiered nationally as the opening night film at the San Francisco International Animation Festival and went to win awards at various smaller international and national film festivals. The film has a fresh rating on Rotten Tomatoes and was reviewed by Variety, The Huffington Post, The New York Times, The San Francisco Chronicle among many others and featured on Apple Trailers and Itunes.

He is a founding member of Albino Fawn Productions along with his brother and collaborator musician Jeffrey Leiser.

Eric is an alumni of CalArt’s Experimental Animation program.

www.albinofawn.com

 

EMMA BOURGIN

EMMA BOURGIN
Tentative de capture du soleil

Exposition du 24 septembre au 5 octobre 2013

vernissage mardi 24 septembre 2013 de 18h à 21h

sans titre, 2013, 98 x 90 x 42 cm, bois, huile de lin et cire d’abeille.

 

La galerie du Haut Pavé, l’UFR des Arts Plastiques et Sciences de l’art et la galerie Michel Journiac de l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne vous invitent à l’exposition de la lauréate du Prix Michel Journiac (Juste avant – 4 ème édition – sélection des travaux des Masters 2 Arts Plastiques).
 

Le prix Journiac a été mis en place en 2010 pour valoriser et professionnaliser les travaux des étudiants en fin de Master 2 Arts Plastiques. Une exposition est montée à la Galerie Journiac après sélection, par un jury de professionnels,  de huit étudiants. Le jury  récompense alors un étudiant en lui offrant la possibilité d’une exposition personnelle (Galerie du Crous en 2010 et 2011, Galerie du Haut Pavé en 2012 et 2013).
Le jury est composé de professionnels du monde de l’art.  En 2010 et 2011 : Patricia Dorfmann, Alain Gutharc, Micheline Lelièvre, François Pourtaud. En 2012 : Gilles Baume, Kamel Mennour, Anne-Laure St Clair, Catherine Viollet. En 2013: Gilles Baume (Frac Ile-de-France), Frédéric Daviau (galerie du Haut Pavé), Emma-Charlotte Gobry-Laurencin (galerie Kamel Mennour), Catherine Viollet (Galerie municipale de Vitry-sur-Seine).

Vitrail, 2013, papier de soie, cire d’abeille 290×586 cm


Sans titre, 2010, laine, essence de térébenthine, pigments, vernis marin brillant, palette, 400x150x1cm (laine), 120x80x12cm (palette).

 

 

L’expérience de l’art ou le charme d’une rencontre…indissociable d’une certaine manière de vivre et d’éprouver le monde. En ce sens, la révélation, au cœur de la démarche artistique de Emma Bourgin, est celle d’un accès sensible et corporel à la nature des matériaux. La révélation relève aussi d’un cheminement intime, de l’éveil des sens (carrière de pierre, miellerie, églises) à l’expérimentation de contacts ou de rencontres entre des matières dont les qualités expriment des « charges sensibles ». 
Recherches et tentatives visent à l’exploration des changements d’états (liquide, solide), du désir de toucher et de ressentir l’huile, la pierre, le miel, le bois, la lumière.
Le charme, proche du mysticisme, apparaît dans la dimension haptique des matières, à savoir la malléabilité et la perméabilité des surfaces. L’éveil au sensible, pour le spectateur, renvoie alors à une certaine joie, une ivresse des sens qui touche ici à la manière dont la lumière entre en rapport avec les surfaces, la présence des choses brutes et les gestes de l’artiste qui donnent une vie à la matière.

 
Charlotte Mariel

 

DE RENDEZ-VOUS EN RENDEZ-VOUS

DE RENDEZ-VOUS EN RENDEZ-VOUS

Elodie Boutry, Olivier Cans, Cathy Jardon, Sébastien Dartout, Sophie Hasslauer, Nathalie Da Silva, Claude Cattelain, Cédric Landivaux

EXPOSITION DU 10 AU 20 SEPTEMBRE 2013

 

   Elodie Boutry

Olivier Cans
   Claude Cattelain
   Nathalie Da Silva
    Sébastien Dartout
   Sophie Hasslauer  

Cathy Jardon
 
Cédric Landivaux

Xavier Rognoy

Xavier Rognoy
Florilège

Exposition du 28 Mai au 22 Juin 2013

Vernissage mardi 28 mai de 18h à  21H

Dans un certain (dés)ordre assemblé

Xavier Rognoy peint. Sur des fragments de toiles lacérées, sur des papiers découpés, sur des morceaux de bois récupérés, comme autant de formes de la couleur. S’ajoutent à cela des séries de motifs : croix, points, carrés ou lignes souvent répétées irrégulièrement. La simplicité de ces éléments s’accompagne d’une évidente jubilation picturale devant l’accumulation des œuvres et de ces formes colorées qui se superposent ou qui s’entremêlent. Cette pratique jubilatoire d’un jeune peintre pourrait surprendre ceux qui croient en l’épuisement d’une peinture désignée par le terme d’abstraction.

Le parti pris de simplicité, jusqu’à une forme d’apparente naïveté, s’associe à la pauvreté revendiquée des moyens. La peinture ainsi dépouillée fait retour vers un plaisir enfantin, à la manière d’un primitivisme dont le mouvement à rebours s’inscrit aussi dans une histoire. Manière de déjouer les questions d’origine et de fin en rejouant l’acte de la naissance. Ce n’est donc pas un hasard si le peintre a beaucoup regardé Kandinsky comme le montre la construction de certaines œuvres convoquant le dynamisme des couleurs et des motifs. Peinture incontestablement matissienne dans l’agencement de ces formes colorées, la démarche de Xavier Rognoy hérite très consciemment aussi de Supports / Surfaces et d’artistes contemporains comme Bernard Piffaretti. Par delà ces références, se manifeste une recherche qui s’apparente à celle d’un vocabulaire premier. Non pas à la manière d’une réduction originelle du langage pictural comme ont pu le pratiquer certaines avant-gardes, mais au sens d’une profusion par la simplicité de ses formes. Dans cette euphorie, se révèle une sorte de babil pictural que l’on pourra rapprocher du Babil des classes dangereuses,  c’est à dire d’un langage évidé de sa signification que Valère Novarina oppose aux exigences du discours social. De même, l’accumulation des formes affirme le seul usage de la peinture contre sa réification.

L’espace pictural apparaît alors étroitement lié à un temps qui est celui du travail. Temps condensé dans l’enchaînement de gestes rapides ou bien s’étirant dans la collecte des fragments au sein de l’atelier. Les superpositions qui accompagnent les collages sont autant d’opérations sur le support, formes ajoutées ou découpes récupérées comme des recouvrements, à la manière de repentirs qui construisent la surface. Construction d’une peinture prise dans sa matérialité par l’agencement des éléments assemblés.

Peinture résolument fragmentaire, elle est un espace de rencontres indissociables d’un morcellement. L’acte de peindre se réalise chez Xavier Rognoy dans un double mouvement de dispersion et de collecte à travers lequel l’unité du tableau se trouve constamment débordée par le glissement des fragments à l’intérieur mais aussi hors du cadre, à la manière d’un hors champ. Refus d’un esprit de système comme d’une totalité, la peinture littéralement mise en pièce se saisit dans un équilibre provisoire, elle n’est que ce qui tient ensemble dans un certain (dés)ordre assemblé. Non pas une fenêtre sur, mais un espace ouvert avec, avec le monde, traversé de rencontres, de juxtapositions et de contradictions.

 Romain Mathieu, avril 2013

Sans titre, acrylique et collage sur papier, 2013, 100x70cm


Sans titre, gouache sur papier, 2012, 29,7x21cm

Elissa Marchal

Elissa Marchal
Assemblages

 

Exposition du 16 avril au 25 mai 2013


détail, bâtons, 2007
assemblage 19, 2013
assemblage 13, 2012
assemblage 11, 2012

ÉLISSA MARCHAL – UNE DIMENSION D’AVANCE

« Quand j’aurai cent dix ans, je tracerai une ligne et ce sera la vie. » Hokusai

Dans un des ouvrages phare de l’histoire de l’esthétique du XXe siècle, Punkt und Linie zu Fläche(1), Kandinsky théorise et vulgarise simultanément les rôles du point et de la ligne dans leur rapport avec le plan originel(2) du tableau. Son analyse ne procède pas de l’extérieur vers l’intérieur, mais s’intéresse à l’effet de l’intérieur de l’œuvre sur la subjectivité, sur la sensibilité de l’observateur. Pour lui, le point est l’élément originel, fruit de la surface vide, l’horizontale est froide, base porteuse,  silencieuse et noire, la verticale active, chaude et blanche, tandis que les obliques sont mouvantes et colorées, bleues et jaunes. La surface elle-même est lourde en dessous, légère au-dessus, distante à gauche et proche à droite(3).

Élissa Marchal ne peut ignorer ces données fondatrices de la philosophie de l’art moderne, mais elle se fait un malin plaisir de les détourner, de les subvertir. Trois séries de ses travaux récents montrent une progression dans cette démarche de remise en cause de la surface kandinskienne et de l’inéluctable affranchissement de la peinture du carcan de la bidimensionnalité : les Sédimentations, les Assemblages et les Structures.

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Les Sédimentations, se présentent, le plus souvent, comme des installations de barres colorées   verticales, fixées au mur, peintes d’une couleur uniforme, en générale vive, sur laquelle apparaissent, dans leur partie centrale, des successions de lignes horizontales, fines, denses, colorées, empilées comme autant de couches géologiques(4). La finesse de la barre verticale contraste avec l’horizontalité des strates, contredisant le postulat de Kandinsky sur le caractère actif de la verticale – traditionnellement considérée comme masculine – et la prétendue passivité de l’horizontale – féminine –. Le système est strictement orthogonal, mais la variété dans la longueur des barres et leur accrochage à des hauteurs différentes génèrent, en bordure des installations, des lignes courbes, sinueuses, qui confèrent une dynamique spatiale à l’ensemble.

Il faut entrer dans la cuisine de l’artiste, dans le mode de réalisation de ces pièces, pour réconcilier l’apparente incohérence de son propos avec ce que l’Histoire de l’art nous a laissé. De fait, Élissa Marchal part de grandes toiles sur lesquelles elle laisse couler des filets de peinture. Ce sont eux qui, sous l’effet de la gravité, créent des lignes qui sont alors verticales. Méticuleusement, l’artiste    répète son geste en nuant les couleurs dont le rendu brillant résulte de l’emploi d’un liant vinylique. Elle doit attendre que chaque ligne sèche, avant de passer à la suivante, pour s’assurer qu’elles ne se chevauchent pas. Elle découpe ensuite les toiles, les fait pivoter de 90 ° et les fixe sur des caissons oblongs, effilés, transformant un phénomène d’écoulement vertical actif en illusion d’une stratification passive, d’une sédimentation.

Les lectures sexuelles de son propos sont potentiellement nombreuses, probablement contradictoires. Elles reflèteront plus les points de vue du spectateur que celui de l’artiste. Ce qui importe, dans ces travaux, c’est la volonté d’une neutralité affective et sensuelle vis-à-vis du matériau peinture et de ses caractéristiques. Cet effort de distanciation vise à débarrasser la peinture de tout un fatras d’idées préconçues, de principes arbitraires et de préjugés désuets. Dans certaines œuvres de cette série, Élissa Marchal est même allée jusqu’à remplacer la peinture par des fils à scoubidou colorés, alignés côte à côte, s’approchant ainsi de l’esthétique des artistes du groupe ready-made color /la couleur importée(5) dont elle partage, consciemment ou non, certains points de vue post-duchampiens sur la matérialité de la peinture.

Les Sédimentations réalisent donc la transsubstantiation du matériau peinture en lignes, des lignes en surface, des surfaces en volumes. Le tout dans un geste qui se veut distanciant, dé-sensualisé, neutre, essentiellement efficace, et qui transfère sur  le spectateur la responsabilité de charger les œuvres résultantes d’affectivité, de signification, de sens, de sensualité… En cela, elle rejoint bien Kandinsky qui récuse toute objectivité et exalte la subjectivité : l’œuvre n’a de sens que de son intérieur  vers l’extérieur, et uniquement dans l’acte de perception par un spectateur actif.

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Dans sa série des Assemblages, Élissa Marchal remet verticale et horizontale sur un pied d’égalité et revient à la tradition du tableau. Les pièces s’inscrivent dans un rectangle, invitant à une lecture frontale. Très rapidement, le spectateur découvre cependant que ces tableaux n’en sont pas, qu’ils ont une profondeur, une troisième dimension. Ils sont en effet constitués par un treillis de lignes colorées, disposées dans un système inflexiblement perpendiculaire. Ces lignes sont des tasseaux de bois, laqués et vernis, qui affectent l’aspect d’une céramique vernissée. L’artiste a longuement expérimenté pour trouver un traitement de surface qui leurre l’observateur. Là encore, il s’agit de coulures, de gravité et de fluidité. Elle fait couler la peinture liquide sur une des faces du tasseau, la laisse sécher, puis la vernit, avant de procéder de la même façon, avec une autre couleur,  successivement sur chacune des autres faces.

Mais la surprise ne s’arrête pas là. En s’approchant de la pièce, on constate simultanément qu’elle a trois dimensions et qu’elle s’appuie sur un miroir. La structure est suffisamment dense pour que le miroir ne reflète pas l’image du spectateur ni celle de son environnement mais seulement la partie cachée, le revers des tasseaux du treillis et leurs couleurs, différentes de celles de la face présentée vers l’avant. Si l’on s’écarte un peu vers la droite ou vers la gauche, on découvre l’épaisseur de la structure et d’autres jeux de couleurs, celles des extrémités des tasseaux et celles des faces latérales. Et puis, on se rend compte que les tasseaux ne sont pas tous inscrits dans un rectangle imaginaire et qu’ils délimitent un espace aux frontières sinueuses.

La plus impressionnante de ces pièces présente, quand on la regarde de face, un treillis blanc, dense, chromatiquement très minimaliste, mais révèle un chatoiement de couleurs vives dès que l’observateur s’écarte de la perpendiculaire au plan du tableau. C’est l’antithèse de ce qu’Yves Bonnefoy écrit dans un de ses plus beaux poèmes :

Et la surface de l’eau n’est que lumière,

Mais au-dessous ? Troncs d’arbres sans couleur, rameaux

Enchevêtrés comme le rêve, pierres

Dont le courant rapide a clos les yeux

Et qui sourient dans l’étreinte du sable.(6)

Tout ceci suscite une envie de transgression, de traverser le plan du tableau pour se rendre, telle l’héroïne de Lewis Carroll, de l’autre côté du miroir et de découvrir le revers de cet univers dont la vie paraît si coruscante. Élissa Marchal a anticipé ce désir, cette pulsion, en nous proposant, tout juste à côté, une pièce qui est, en quelque sorte, le négatif de la première. La partie touchant la glace est présentée face au spectateur et le blanc est maintenant du côté du miroir, rendant aux lignes de Bonnefoy leur véritable sens. À l’opposé de la démarche d’un Pistoletto qui fait de ses surfaces réfléchissantes un moyen pour intégrer des images planes dans l’environnement qui se situe devant elles, Élissa Marchal occulte ce qui se passe devant l’œuvre et use du miroir pour    révéler le dessous, l’arrière, la profondeur et l’épaisseur de ses peintures.

Cette impressionnante série des Assemblages concentre tout un ensemble de réflexions,    d’oppositions dialectiques et d’interrogations au cœur de l’ontologie de la peinture. Sur le trompe-l’œil, tout d’abord, en faisant de bois peint un ersatz de la céramique vernissée : solide contre   fragile, flexible contre rigide, léger contre lourd… Sur la couleur : le blanc masque puis   révèle la rutilance de l’arc-en-ciel ou, à l’inverse, le chatoiement des couleurs se fond dans la   neutralité du blanc. Géométrique : des parallélépipèdes inscrits dans un rectangle virtuel engendrent un plan aux bordures ondulantes. Sur le rôle du spectateur face à un miroir qui ne lui renvoie pas son image spéculaire mais celle d’un derrière de la peinture. Sur le statut de la peinture : surface plane ou champ d’actions doté d’une profondeur réelle ou simulée ? On pense ici au propos de Hugo von Hofmannsthal : « Il faut cacher la profondeur. Mais où ? À la surface ! »(7). Il y est question de l’avant et de l’arrière du tableau, de son devant et de son derrière, de son haut et de son bas, de son  intérieur et de son extérieur, de son ombre et de sa lumière, du volume et de la masse de sa couleur…

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Dans les Structures, le miroir disparaît tout comme le rectangle qui circonscrit l’œuvre. Ce ne sont plus des peintures mais des sculptures. Bien que ces pièces restent tributaires du mur, auxquelles elles sont fixées, elles affirment haut et fort leur tridimensionnalité. Le principe reste cependant le même : des tasseaux traités comme de la céramique vernissée, assemblés en couches successives en des réseaux  perpendiculaires. Pas de mise en abîme par la réflexion du miroir. C’est donc au spectateur de faire l’effort de se déplacer pour découvrir l’envers de la surface apparente de l’œuvre. Très vite, d’ailleurs, cette surface perd de sa présence, au profit de visions multiples, dont les couleurs changent radicalement selon l’angle de vue et la distance du mur. On pense à la boutade d’Ad Reinhardt : « La sculpture, c’est ce contre quoi on se cogne quand on recule pour regarder une peinture. »

On se demande pourquoi le mur reste nécessaire. Élissa Marchal s’est visiblement posé la question, car elle a fait des essais de Structures affranchis du mur, suspendus par un fil dans l’espace ou    placés au sol. Elle a vite renoncé, car, à l’instar des Contre-Reliefs de Tatline, ces constructions ont besoin d’un écran pour la matérialisation d’une quatrième dimension, celle du temps. Les pièces projettent, en effet, une ombre sur le blanc de la paroi, ombre dont la forme se modifie au fur et à mesure du déplacement du spectateur. Abolies, donc, les notions kandinskiennes de lourdeur en dessous, de légèreté au-dessus, de distance à gauche et de proximité à droite. Le haut, le bas, le devant, le derrière, la droite et la gauche deviennent interchangeables, dans un système où les obliques ne sont que les ombres projetées –par conséquent à dominante grise ou noire –, mouvantes, et les verticales et horizontales colorées…

Le temps est aussi perceptible, de façon plus subtile, dans les interférences chromatiques entre les colorations des différents tasseaux. Ces interférences génèrent des battements(8) optiques avec leurs pulsations, surtout à la frontière entre deux surfaces colorées, qu’elles soient physiquement mitoyennes ou rapprochées par le hasard du positionnement de l’observateur. Un pas de côté, en avant ou en arrière, modifie complètement l’équilibre et fait surgir de nouvelles combinaisons avec des phénomènes de résonance(9) dans les périodes transitoires, celles du déplacement du spectateur.

De la ligne à la surface, de la surface au volume, du volume au mouvement… La démarche d’Élissa Marchal n’a pas fini de chambouler les cadres pré-étiquetés et sclérosants des catégories de l’art…

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Hokusai, dans sa sagesse orientale, réduisait sa vie à une longue ligne, probablement droite. Élissa Marchal, dans une approche apparemment sage, mais profondément iconoclaste réconcilie  dessin et couleur tout en subvertissant, de l’intérieur, les fondamentaux historiques de l’art occidental. Elle a, en quelque sorte, toujours une dimension d’avance : ses lignes sont surfaces et volumes, ses plans ont une épaisseur et ses volumes flirtent avec la quatrième dimension, celle du temps. Le tout dans une stricte orthogonalité, qui se veut à la fois ascèse, en écho à Pindare : « Le bonheur ne fleurit pas pour ceux qui suivent des chemins obliques. »(10), tout en faisant un clin d’œil du côté d’Alphonse Allais : « Les horizontales(11) se rencontrent dans tous les milieux, les parallèles jamais. »

Louis Doucet, novembre 2012

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(1)Du point et de la ligne à la surface, le numéro 9 des Bauhausbücher, 1926.

(2) Considéré comme un être vivant que l’artiste féconde, ibidem.

(3) Der Punkt ist Urelement, Befruchtung der leeren Fläche. Die Horizontale ist kalte, tragende Basis, schweigend und „schwarz“. Die Vertikale ist aktiv, warm, „weiß“. Die freien Geraden sind beweglich, „blau“ und „gelb“. Die Fläche selbst ist unten schwer, oben leicht, links wie „Ferne“, rechts wie „Haus“, ibidem.

(4) La première fois que je les ai vues, l’image de spectrogrammes colorés, pivotés à 90 °, s’est imposée à mon esprit. Ceci est probablement une déformation due à ma formation d’ingénieur.

(5) Créé et théorisé par Claude Briand-Picard et Antoine Perrot.

(6) In Les Planches courbes.

(7)Man muss das Tiefe verstecken. Wo? An der Oberfläche!, in Buch der Freunde.

(8) Le battement, bien connu des musiciens accordant leurs instruments, est une interférence entre deux ondes de fréquences légèrement différentes, laissant percevoir des pulsations.

(9) En physique, un système résonant soumis à une excitation va être le siège d’oscillations de plus en plus importantes, jusqu’à atteindre un régime stable ou jusqu’à la rupture d’un de ses composants.

(10) In Odes isthmiques III.4-6. La traduction retenue par la postérité est très tendancieuse. Le texte originel (Ζεῦ, μεγάλαι δ ̓ ἀρεταὶ θνατοῖς ἕπονται / ἐκ σέθεν: Ζώει δὲ μάσσων ὄλβος ὀπιζομένων, Πλαγίαις δὲ φρένεσσιν / οὐχ ὁμῶς πάντα χρόνον θάλλωνὁμιλεῖ), remis dans son contexte, est traduit par Jean Aloys Perrault-Maynand en O Jupiter, c’est de toi que les hommes reçoivent les grandes vertus; et dans les justes, le bonheur vit durable, tandis que pour les âmes perverses il ne fleurit pas toujours. Perversité et oblicité (πλαγιασμός) y deviennent synonymes.

(11) Les horizontales évoquées par Allais sont, en argot, des prostituées de haut de gamme. Quant à ce que sont ses parallèles, liberté est laissée pour interpréter ce dont il s’agit.